Impfondo accueille une renaissance culturelle
Sous le ciel équatorial d’Impfondo, la place publique s’est transformée en scène ouverte pour le premier festival de revalorisation des cultures autochtones et locales. Porté par l’Association Bomassa pour promouvoir la culture et protéger la biodiversité, l’événement veut restaurer une fierté longtemps confinée aux sous-bois.
L’initiative s’inscrit dans le projet d’extension de l’Apac de Mboukou-Ebouhélé, incluant Mohounda, Hiller et Bokonga. Ce cadre juridique, dédié aux aires et territoires du patrimoine autochtone, offre aux communautés un espace de visibilité où coutumes, chants et savoirs se déploient à nouveau sans complexe.
Danses, chants et mémoire vivante
Les visiteurs ont assisté aux danses de chasse ou de récolte, exécutées pieds nus sur un sol jonché de fibres de palmier. Chaque pas, chaque frappe sur la peau du tambour, rappelait le lien charnel qui unit les habitants à leur territoire forestier.
Ces prestations ont mis en avant la diversité d’un patrimoine immatériel souvent réduit au folklore. « Nos danses racontent nos calendriers, nos rites de guérison, nos alliances avec les rivières », confie une aînée baka croisée en coulisses. Le festival devient ainsi un livre ouvert à destination des jeunes urbains.
Un dialogue renforcé avec l’administration
Autour du podium, représentants de la société civile et fonctionnaires échangeaient sur les défis communs. La présence du Secrétaire général du département, Servais Kiba, a donné un signal d’appui institutionnel. Plusieurs agents préfectoraux ont salué « une occasion de travailler main dans la main avec les communautés ».
Cette proximité a favorisé des conversations concrètes sur la gestion des forêts communautaires. Les stands improvisés ont abrité cartes, textes de loi et guides pratiques rappelant que culture et gouvernance environnementale avancent ensemble lorsque la confiance existe.
La question foncière au centre
Lors d’une table ronde très suivie, le président de l’Abpcpb, Guy Mossele, a appelé à l’application de l’article 42 de la loi 5, garantissant aux peuples autochtones la réparation de tout préjudice foncier. « Le droit d’usage ne suffit pas si la propriété reste floue », a-t-il martelé.
Cette disposition, selon lui, consolide l’exercice des droits culturels. Elle sécurise les territoires ancestraux où naissent les chants, poussent les plantes médicinales et circulent les récits. Sans terre définie, la culture se voit réduite à un simple spectacle, avertissent les organisateurs.
Financer le patrimoine, un défi
Guy Mossele a également rappelé que les communautés ne reçoivent que 5 % des montants prévus dans les cahiers des charges liés à l’exploitation de leurs zones d’habitation. « Nous devons progresser vers un retour équitable des 100 % recommandés », a-t-il déclaré sous les applaudissements.
Ce festival, gratuit pour le public, a été financé par de petites contributions et des partenaires locaux. Les organisateurs espèrent qu’une reconnaissance légale plus forte ouvrira l’accès à des fonds pérennes, indispensables pour répéter l’événement et soutenir des activités culturelles permanentes.
Une fenêtre sur la biodiversité
Si les danses ont attiré l’œil, le message environnemental n’a jamais quitté la scène. Likouala abrite de vastes forêts à haute valeur écologique, et la sauvegarde des cultures traditionnelles se confond avec celle des écosystèmes.
Les discussions ont souligné que la transmission de connaissances, comme l’identification des essences ou les cycles de faune, constitue un outil concret de conservation. Valoriser la culture, c’est aussi consolider la biodiversité qui la nourrit.
Des voix autochtones affirmées
Plusieurs jeunes intervenants ont pris la parole pour exprimer leur vision. « Nous ne voulons pas vivre dans les musées de notre passé, mais bâtir l’avenir avec nos racines », a lancé une étudiante originaire de Mohounda. Ses mots ont résonné jusque dans les travées bondées.
Cet espace d’expression confirme le rôle du festival comme tribune citoyenne. Responsables coutumiers et lycéens s’écoutent, confrontent points de vue, imaginent des projets de coopérative ou d’ateliers linguistiques qui maintiendront vivantes les langues vernaculaires.
Alliances et perspectives
La société civile voit dans cette première édition un laboratoire. Les associations culturelles de Bokonga ou Hiller souhaitent créer un circuit tournant pour que chaque village accueille à son tour un segment de la fête, multipliant les retombées sociales.
Du côté administratif, l’idée d’intégrer le festival dans le calendrier départemental a été évoquée. Servais Kiba a indiqué vouloir « explorer avec les ministères compétents la possibilité d’un label patrimonial », susceptible d’attirer des soutiens techniques et financiers additionnels.
Outils pratiques pour les communautés
Entre deux spectacles, des ateliers ont présenté les démarches pour enregistrer une association ou formuler une requête foncière. Des exemplaires de la loi 5 étaient distribués, accompagnés de contacts utiles d’organismes d’appui juridique.
Ces encadrés pratiques traduisent l’esprit du festival : transformer la célébration en levier d’autonomisation. À la tombée de la nuit, les chants s’élèvent encore mais la foule repart également avec des documents et des adresses qui prolongeront l’élan collectif bien au-delà des trois jours de scène.
