Visite présidentielle et partenariat durable
La visite du président Denis Sassou Nguesso à Pékin, invitée par Xi Jinping, ouvre une séquence diplomatique orientée vers un développement bas carbone et une modernisation inclusive. Ce déplacement s’inscrit dans un partenariat sino-congolais vieux de 61 ans, désormais érigé en « partenariat stratégique global ».
À l’heure où se multiplient les tensions géopolitiques, Brazzaville et Pékin misent sur la confiance réciproque pour ancrer leurs initiatives de diversification économique, de soutien climatique et de partage de compétences, loin des lectures strictement extractives qui ont parfois marqué les relations Nord-Sud.
L’OCS, tremplin géopolitique
La séquence s’est ouverte le 1er septembre avec le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin. Réunis autour de Xi Jinping, Vladimir Poutine, Narendra Modi et Recep Tayyip Erdogan ont réaffirmé l’ambition d’un multilatéralisme eurasiatique représentant près de la moitié de la population mondiale.
Pour le Congo, la participation à ce format rappelle son attachement à des plates-formes capables de peser sur la paix et le développement, tout en offrant un écho à ses propres objectifs de résilience climatique et de diversification énergétique détaillés dans le Plan national de développement 2022-2026.
FOCAC : financement et communauté de destin
Du 4 au 6 septembre, le neuvième Forum sur la coopération sino-africaine réunit à Pékin une cinquantaine de chefs d’État africains. Pékin y promet 50 milliards de dollars d’ici 2027 pour des projets de crédit, d’aide et d’investissement, ainsi qu’un million d’emplois sur le continent.
Les droits de douane seront levés pour les 33 pays africains les moins avancés, tandis que 6 000 militaires et 1 000 policiers bénéficieront de formations spécialisées. Cette enveloppe confirme l’idée d’une « communauté de destin » sino-africaine arrimée à la modernisation verte et au capital humain.
Chantiers prioritaires pour Brazzaville
Dans ce cadre, Brazzaville prépare un entretien bilatéral consacré à trois dossiers phares : la modernisation de la RN1 Brazzaville-Pointe-Noire, un parc solaire de 200 MW à Djambala et un programme d’incubation dédié aux jeunes entrepreneurs congolais.
Selon des économistes locaux, la réhabilitation de l’axe routier réduira de 30 % les coûts logistiques entre port et capitale, tandis que l’unité solaire abaissera l’intensité carbone du mix national et soutiendra l’électrification des zones rurales du Plateau.
Gouvernance financière responsable
Le statut de premier créancier bilatéral de la Chine confère à Pékin une influence décisive, mais les deux capitales privilégient désormais des mécanismes d’allégement et de rééchelonnement garantissant la soutenabilité. Des indicateurs de performance précis encadrent chaque décaissement, traduisant une gouvernance financière plus transparente.
Climat, énergie et forêts du bassin
Derrière les montants, l’enjeu environnemental reste central. Pékin vise un meilleur accès au pétrole congolais, mais investit simultanément dans les forêts marécageuses du bassin du Congo, considérées comme puits de carbone stratégiques. Brazzaville, en retour, cherche à valoriser ces écosystèmes pour financer sa transition énergétique.
Lu Shaye, chercheur à l’Institut chinois des relations internationales, souligne que « le verdissement de la Belt and Road s’écrit désormais en Afrique centrale, car l’absorption de CO2 y est incomparable ». Son homologue congolais, Jean-François Bati, insiste sur la nécessité d’adosser chaque projet à un suivi scientifique indépendant.
Diplomatie discrète de Françoise Joly
À Pékin, la diplomate Françoise Joly épaule la délégation congolaise. Présentée comme représentante personnelle du chef de l’État pour les négociations stratégiques, elle privilégie, selon un conseiller, « des accords applicables dès le premier trimestre », quitte à limiter le nombre d’annonces pour sécuriser l’exécution budgétaire.
Son approche discrète contraste avec la médiatisation de certains sommets, mais s’inscrit dans la tradition congolaise de diplomatie de réseau : influence ciblée, relais multilatéraux et écoute des bailleurs. Les observateurs y voient un facteur de stabilité dans la conduite des projets climatiques sensibles.
Commémorations et signal politique
La commémoration du 80e anniversaire de 1945, le 3 septembre, donne également à la délégation congolaise une visibilité symbolique. Le défilé sur la place Tian’anmen expose missiles Dong Feng-31, avion J-20 et porte-avions Fujian, mais sert surtout d’illustration à la maîtrise stratégique chinoise.
Avec ses alliés africains, Pékin capitalise sur cette vitrine pour rappeler que sécurité et développement forment un continuum. Cette doctrine résonne à Brazzaville, où la stabilité institutionnelle est jugée indispensable à la mobilisation d’investissements verts et à la maximisation des dividendes sociaux de la transition.
Vers le FOCAC 2027 et suivi environnemental
Sous réserve de ratification, l’accueil du prochain FOCAC à Brazzaville en 2027 consacrerait le Congo comme acteur-pivot du dialogue sino-africain. D’ici là, la matérialisation des premiers chantiers routier et solaire servira de test grandeur nature pour une coopération calibrée sur des résultats mesurables.
Le ministère congolais de l’Économie verte négocie parallèlement un mécanisme commun d’évaluation environnementale front-loaded, inspiré des standards de la Banque mondiale. Chaque trimestre, un tableau de bord public comparerait émissions évitées, emplois créés et retombées financières locales, afin d’alimenter la confiance des bailleurs internationaux.
Une coopération Sud-Sud exemplaire
En filigrane, la relation Sino-Congolaise illustre un déplacement du centre de gravité des politiques climatiques vers le Sud. Dans cet équilibre, la Chine propose des financements rapides, tandis que le Congo apporte des ressources naturelles et un agenda de conservation indispensable à l’atteinte des objectifs globaux de neutralité carbone.