Saison des pluies : urgence d’assainir Brazzaville
À Brazzaville, la saison des pluies approche et, avec elle, la menace récurrente des inondations. Pour prévenir les débordements, le ministère de l’Assainissement urbain a lancé une vaste campagne de nettoyage et de régulation des déchets le 29 août dans les arrondissements méridionaux.
Makélékélé et Bacongo, deux quartiers densément peuplés, ont été choisis comme premières étapes, illustrant une approche territorialisée qui s’appuie sur la cartographie des points noirs identifiés par la direction générale de l’environnement urbain.
Cartographier et sanctionner l’incivisme urbain
Le ministre Juste Désiré Mondelé n’a pas mâché ses mots : « L’heure est venue de passer du discours à l’action », a-t-il déclaré devant la presse locale, soulignant que les dispositifs persuasifs ont souvent montré leurs limites face à l’incivisme persistant.
Dorénavant, toute personne surprise à jeter des ordures dans un collecteur sera conduite au commissariat pour une séance d’hygiène civique, avant d’être astreinte à des travaux d’intérêt général, notamment le curage manuel des caniveaux qu’elle contribuait à obstruer.
Stratégie nationale et arsenal répressif
Cette articulation entre pédagogie et sanction s’inscrit dans la stratégie nationale d’assainissement, adoptée en 2023, qui vise une réduction de 50 % des déchets mal gérés d’ici 2030, objectif aligné sur les engagements climatiques du Congo-Brazzaville.
Selon la Direction de la météorologie, les précipitations pourraient être 15 % supérieures à la moyenne cette année, un signal qui renforce l’urgence d’un écoulement fluide des eaux pluviales dans la capitale.
Les collecteurs de Zanga Dia Ba Ngombe, Mfoa et Madoukou-Tsiekelé ont fait l’objet d’inspections minutieuses. Des pancartes bilingues y rappellent désormais l’interdiction de déverser des rebuts, assortie d’une mention explicite des peines encourues.
Participation citoyenne et éducation verte
Sur le terrain, des agents municipaux, équipés de gilets fluorescents, procèdent au tri des déchets récupérés. Plastiques souillés, textiles et déchets organiques sont acheminés vers la décharge de Nkfi, où un programme pilote de valorisation est en phase expérimentale.
Pour la sociologue Élodie Ngatse, spécialiste des comportements environnementaux, « la sanction seule ne suffit pas ; elle doit être perçue comme juste et collective pour produire des effets durables ». Elle insiste sur l’importance d’une communication inclusive, notamment en langues nationales.
Les comités de quartier relaient déjà la campagne gouvernementale par des sessions de porte-à-porte. Des relais communautaires expliquent les liens entre inondations, maladies hydriques et déchets, afin de transformer la perception du risque en normes sociales partagées.
Dans les écoles primaires, le ministère de l’Enseignement général a introduit un module d’éducation environnementale, conçu avec l’appui de l’UNICEF, qui invite les élèves à cartographier les points de dépôt illégal dans leur voisinage.
Risques sanitaires amplifiés par le climat
Au niveau institutionnel, le Fonds national d’Assainissement durable, créé en 2022, finance les travaux de réhabilitation des collecteurs. Son budget annuel de dix-huit milliards de francs CFA provient d’un prélèvement sur les emballages plastiques importés.
Le Conseil municipal prévoit par ailleurs de déployer des capteurs basés sur l’Internet des objets pour mesurer en temps réel le niveau d’encombrement des caniveaux, une innovation développée avec l’Université Marien-Ngouabi et soutenue par l’Agence française de développement.
Les organisations de la société civile saluent l’initiative, tout en appelant à un suivi transparent des amendes collectées. Pour elles, la redevabilité consolidera la confiance entre populations et institutions, élément essentiel à toute gouvernance environnementale.
Sur le plan sanitaire, le ministère de la Santé craint une hausse des cas de choléra si les caniveaux restent obstrués. Les eaux stagnantes favorisent la prolifération des moustiques, vecteurs du paludisme, problème endémique qui mobilise déjà 7 % du budget national.
L’Agence congolaise de la transition écologique rappelle, chiffres à l’appui, qu’un millimètre de pluie équivaut à trente-huit litres d’eau par mètre carré. Dans une ville de deux cents kilomètres carrés, un simple orage peut générer des volumes difficiles à canaliser.
Technologies, économie circulaire et diffusion régionale
Au-delà du curatif, la municipalité mise sur la prévention en favorisant l’économie circulaire. Un partenariat avec une start-up locale transforme déjà les sachets plastiques collectés en pavés drainants destinés aux trottoirs nouvellement rénovés.
Interrogé sur la pérennité du dispositif, le professeur Gilbert Kouablan, hydrologue, estime que « la clé réside dans la continuité des financements et le suivi communautaire ». Selon lui, la conjonction de la contrainte juridique et de l’incitation économique constitue un levier robuste.
À l’échelle sous-régionale, cette opération brazzavilloise est suivie par les mairies de Pointe-Noire et de Dolisie, qui envisagent de répliquer le système de contraventions couplé à des chantiers participatifs, afin d’harmoniser les politiques urbaines du littoral au plateau.
Le ministère de l’Assainissement urbain prévoit de publier, chaque semestre, un indice de propreté des quartiers, élaboré avec l’Institut national de la statistique. Cet outil de benchmarking devrait stimuler l’émulation inter-arrondissements et guider l’allocation des ressources publiques.
En combinant nettoyage intensif, pédagogie ciblée et sanctions progressives, Brazzaville pose les fondements d’une gouvernance urbaine résiliente aux changements climatiques, sans se départir d’une ambition sociale : faire de chaque citoyen l’acteur d’une ville salubre et inclusive.