Arrestation en flagrant délit à Impfondo
Le 25 août, à l’aube, les gendarmes d’Impfondo ont surpris une Congolaise d’environ quarante ans avec deux peaux de panthère ainsi qu’un sac rempli d’écailles et de griffes de pangolin géant, espèces intégralement protégées.
Cette opération, effectuée avec les agents départementaux de l’Économie forestière et l’appui technique du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, marque une nouvelle étape dans le resserrement du contrôle des couloirs fluviaux menant vers la frontière.
La mise en cause, qui a reconnu les faits, doit être présentée devant le procureur près le Tribunal de Grande Instance d’Impfondo. Selon le colonel Yves Kiyiri, elle encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et cinq millions de francs CFA d’amende.
Un cadre légal renforcé depuis 2008
En République du Congo, la loi 37-2008 sur la faune et les aires protégées interdit toute importation, exportation, détention ou transit d’espèces intégralement protégées sans dérogation scientifique. L’article 27 constitue aujourd’hui le principal outil pénal contre la commercialisation clandestine.
Depuis 2020, le ministère de l’Économie forestière multiplie séminaires et patrouilles mixtes afin d’assurer une application homogène de la norme, notamment dans les départements forestiers du Nord où la pression sur la biodiversité reste aiguë, d’après plusieurs bilans officiels.
Des espèces menacées au cœur des écosystèmes
La panthère, sous-espèce Panthera pardus pardus, joue un rôle clé dans la régulation des ongulés. Quant au pangolin géant, Smutsia gigantea, il participe à la santé des sols en ingérant des milliers de fourmis, souligne l’écologue Mireille Dzingou.
Ces deux espèces figurent à l’Annexe I de la CITES, interdisant leur commerce international. La demande résiduelle en peaux luxueuses et en écailles supposées médicinales entretient cependant des filières transfrontalières où les villageois, parfois en difficulté économique, servent d’intermédiaires occasionnels.
Pressions économiques et coût du braconnage
Selon un rapport du Programme alimentaire mondial, un ménage de la Likouala consacre jusqu’à 70 % de ses revenus à l’alimentation. Dans ce contexte, le braconnage peut apparaître comme une réponse immédiate aux besoins, malgré les risques judiciaires croissants.
L’économiste Giscard Mouandza rappelle toutefois que la perte d’espèces charismatiques réduit le potentiel écotouristique du pays, estimé à 4 % du PIB par le dernier plan national de développement. À long terme, le trafic compromet donc des retombées financières plus durables.
Coopérations sécuritaires et communautaires
Le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, financé par plusieurs bailleurs internationaux, fournit des formations juridiques aux officiers ainsi qu’un appui logistique, dont des radios et des unités cynophiles, afin d’améliorer la détection des cargaisons illicites.
Au niveau local, les chefs traditionnels d’Impfondo et d’Epena ont signé en juillet un pacte de vigilance communautaire visant à signaler toute entrée de trophées interdits sur les marchés. Cette synergie institutionnelle-coutumière est saluée par les organisations de conservation.
Sanctions judiciaires et indicateurs récents
Pour le magistrat Pierre-André Mabiala, « la sévérité des peines commence à produire un effet dissuasif, comme le montrent les condamnations récentes de juin ». Le parquet prévoit néanmoins d’étendre les audiences foraines afin de rapprocher la justice des zones enclavées.
L’ONG Wildlife Justice Initiative signale une baisse de 18 % des saisies de pangolin au premier semestre par rapport à 2023. Les analystes restent prudents, mais soulignent que la combinaison de sanctions et de sensibilisation publique constitue un levier efficace.
Sensibilisation scolaire et engagement national
À Impfondo, les enseignants du secondaire envisagent d’insérer des modules sur la biodiversité dans le programme scientifique dès la rentrée. L’objectif est de créer une culture de protection dès l’adolescence, un chaînon encore faible selon plusieurs acteurs communautaires.
Le gouvernement, qui a ratifié le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, ambitionne de restaurer 30 % des habitats dégradés d’ici 2030. L’affaire d’Impfondo rappelle, selon le ministère, que la lutte contre le commerce illégal reste une priorité transversale.
Technologies de traçabilité de la faune
Des équipes du Centre national d’inventaire des ressources biologiques testent désormais des codes QR inviolables apposés sur les trophées autorisés, afin de distinguer facilement les produits licites des cargaisons frauduleuses lors des contrôles routiers et portuaires.
Parallèlement, l’université Marien-Ngouabi développe une base de données ADN permettant d’identifier l’origine géographique des écailles saisies. « Nous serons capables de retracer la chaîne entière, du prélèvement à la sortie du pays », anticipe le généticien Landry Makosso.
Sensibilisation médiatique accrue
Le récent reportage diffusé sur Télé-Congo a généré un vif intérêt sur les réseaux sociaux, où les internautes ont relayé des messages de protection des espèces. Les journalistes locaux annoncent une série de capsules en langues nationales pour toucher un public plus large.
Financements innovants pour la conservation
Un fonds fiduciaire biodiversité, doté de cinq milliards de francs CFA et géré avec la Banque de développement des États d’Afrique centrale, sera opérationnel en 2026. Il financera des projets alternatifs de subsistance, comme l’apiculture, destinés aux communautés riveraines des parcs.