Pointe-Noire, vitrine de la finance verte
Sur la côte atlantique, la cinquième édition du Forum Horizon Initiative et Créativité a mis Pointe-Noire en effervescence durant trois jours consacrés à l’innovation, à l’écologie et à l’inclusion économique, confirmant la ville comme laboratoire du développement durable congolais.
Organisé sous l’égide du Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement, l’événement a surtout offert un accès inédit au financement pour de jeunes porteurs de projets, notamment issus du secteur informel qui représente encore une part majeure de l’activité urbaine nationale.
Selon les données présentées, cinq cents entrepreneurs affiliés au programme Crédit Kolisa se partagent soixante-trois millions huit cent mille francs CFA, tandis qu’une enveloppe supplémentaire de dix millions est allouée à la microfinance Microcred afin de fluidifier l’octroi de prêts à taux maîtrisé.
Mécanismes du Figa et objectifs nationaux
Le dispositif financier repose sur un principe d’amortissement d’affaires : l’État assume la part de risque initiale, libérant ainsi les jeunes structures des contraintes de garantie qui freinent habituellement la création d’emplois verts dans des filières encore émergentes.
« Nous croyons que l’innovation peut fleurir partout, même dans un quartier périphérique », a déclaré à la tribune Jean Félix Ihou, directeur général du Figa, estimant que ces soutiens ciblés préparent la diversification économique inscrite dans la Vision 2025 du pays.
En parallèle, quatre cents jeunes ont suivi une formation intensive aux métiers agro-pastoraux, discipline jugée stratégique pour améliorer la souveraineté alimentaire et réduire l’empreinte carbone liée aux importations de denrées de base.
Les organisateurs soulignent que l’approche combine apprentissage technique et accompagnement entrepreneurial, ce qui limite la migration rurale et consolide les pôles de production périurbains autour de Pointe-Noire, à l’heure où le changement climatique bouscule la disponibilité des terres fertiles.
Des lauréats qui transforment l’économie circulaire
Point d’orgue médiatique, le concours des dix meilleures idées a couronné des initiatives reliées à l’économie circulaire et à l’insertion, faisant émerger de nouvelles figures capables d’incarner la transition écologique auprès d’un public souvent éloigné de ces thématiques.
Le Prix d’excellence Le Prince est notamment revenu à Henry Diele, fondateur de Green Tech, qui transforme les déchets plastiques en pavés modulaires ; selon lui, « chaque tonne recyclée évite l’émission de deux tonnes de CO₂ et allège les réseaux de drainage urbain ».
La distinction a également salué la start-up de Gloire Kouzounguila, spécialiste du charbon écologique obtenu par pyrolyse de résidus agricoles, ainsi que le savoir-faire inclusif de Séphora Koutoumona, couturière en situation de handicap qui emploie déjà cinq apprenties.
Effets sociaux et emplois inclusifs
Au-delà des enveloppes, dix machines à coudre ont été remises à des stagiaires couture, de même que des kits de coiffure et maquillage, geste modeste mais symbolique pour un secteur créatif féminin souvent sous-capitalisé.
Les économistes locaux estiment que chaque micro-atelier soutenu peut générer deux à trois emplois indirects, un ratio crucial dans un contexte démographique où soixante pour cent de la population congolaise a moins de trente ans.
Du point de vue sociologique, l’initiative confirme la montée d’une culture entrepreneuriale sensible aux externalités environnementales, phénomène encouragé par la visibilité médiatique et par la proximité des décideurs publics présents en nombre sur le forum.
Cadre politique et comparaisons régionales
Plusieurs conseillers techniques du ministère de l’Environnement ont rappelé que le Congo-Brazzaville a rejoint la Coalition pour l’économie circulaire africaine en 2022, ce qui crée un cadre de référence pour des projets pilotes comme ceux distingués à Pointe-Noire.
La Banque mondiale signale, dans son rapport 2023 sur la croissance verte, que l’économie bleue et la valorisation des déchets pourraient ajouter 1,5 % de PIB par an au pays si les chaînes de valeur sont sécurisées.
À court terme, les montants distribués au Forum restent modestes, mais ils agissent comme un effet de levier : chaque franc de subvention attire environ trois francs d’investissement privé, selon une note interne du Figa consultée par nos soins.
Ce ratio demeure cohérent avec les pratiques d’amorçage observées à Kigali ou à Accra, deux capitales qui benchmarkent désormais les performances congolaises en matière de start-up climate-tech.
Vers un ancrage durable de la transition
Sur le plan politique, ces résultats confortent la stratégie nationale de lutte contre le chômage des jeunes, l’un des axes du Plan national de développement, sans opposer croissance économique et préservation des écosystèmes.
Plusieurs observateurs invitent toutefois à renforcer le suivi des projets financés, afin d’éviter la dérive consumériste des subventions et de mesurer l’empreinte carbone réelle des procédés industriels déployés.
Le prochain Forum, déjà annoncé pour 2024, devrait inclure un baromètre d’impact et un espace de dialogue avec les collectivités, étape supplémentaire pour ancrer l’économie verte dans le quotidien des Congolais.
À l’échelle régionale, le port de Pointe-Noire ambitionne déjà d’intégrer ces jeunes pousses dans sa zone industrialo-portuaire, offrant des débouchés commerciaux à hauteur de dix milliards de francs CFA par an, selon la direction du complexe, qui voit là un cercle vertueux emploi-environnement.