Arrestation à Impfondo
Le 25 août 2025, les gendarmes de la Likouala ont surpris, dans une ruelle d’Impfondo, une Congolaise d’une quarantaine d’années transportant deux peaux de panthère, plusieurs sacs d’écailles et des griffes de pangolin géant, espèces intégralement protégées.
L’opération, conduite avec la direction départementale de l’économie forestière et l’appui technique du Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune sauvage, s’inscrit dans une série d’interventions coordonnées visant à assécher les filières de trafic transfrontalier.
Sanctions prévues par la loi 37-2008
Placée en garde à vue, la suspecte a reconnu les faits devant les enquêteurs, selon le colonel Yves Kiyiri, chef d’état-major de la région de gendarmerie, qui annonce sa présentation rapide au procureur de la République d’Impfondo.
La loi 37-2008 prévoit pour ce type d’infraction deux à cinq ans de prison ferme et jusqu’à cinq millions de francs CFA d’amende, rappelant la volonté du législateur de dissuader un commerce qui érode la biodiversité nationale.
Likouala, carrefour fragile de biodiversité
Située au nord-est du Congo-Brazzaville, la Likouala abrite des forêts marécageuses parmi les plus riches du Bassin du Congo, mais sa proximité avec les frontières centrafricaine et congolaise RDC en fait aussi une zone privilégiée pour les réseaux criminels.
Des études récentes du Centre de recherche forestière de Makoua montrent que les couloirs écologiques reliant la Likouala au parc national Nouabalé-Ndoki sont de plus en plus utilisés par les braconniers, rendant nécessaire une surveillance combinée au sol et par drones.
Les enquêteurs estiment que les pièces saisies devaient rejoindre, par voie fluviale, des marchés urbains où la demande pour la médecine traditionnelle et les trophées décoratifs demeure soutenue, malgré les campagnes de sensibilisation.
Le tribunal d’Impfondo avait déjà condamné, le 26 juin, trois trafiquants pour des faits similaires, preuve d’une pression judiciaire constante destinée à marquer les esprits dans une région longtemps considérée comme un point chaud du braconnage.
Une stratégie publique renforcée
Face à ces menaces, les autorités congolaises consolident un dispositif mêlant forces de sécurité, magistrats spécialisés et ONG partenaires, dont le PALF, afin de croiser renseignement, poursuites et programmes éducatifs dans les villages riverains.
Le ministère de l’Économie forestière souligne que deux cent cinquante opérations de terrain ont été exécutées depuis 2022, aboutissant à la saisie de plus de six cents kilos d’écailles de pangolin, un indicateur jugé encourageant par les experts gouvernementaux.
« Notre objectif est de démontrer qu’aucune infraction ne restera impunie », affirme un conseiller technique du ministère, qui ajoute que l’engagement présidentiel en faveur du “Congo vert” reste la boussole des politiques publiques.
Le défi socio-économique local
Néanmoins, la pression démographique et la rareté d’emplois formels à Impfondo incitent certains habitants à se tourner vers la faune, perçue comme une source de revenus rapide, observe le sociologue Benoît Tchikaya, spécialiste des dynamiques rurales.
Pour réduire cette dépendance, le gouvernement et ses partenaires encouragent l’agroforesterie, la pisciculture et l’écotourisme, trois secteurs capables de générer des bénéfices locaux sans épuiser le capital naturel, rappelle une note conjointe de la FAO et du PNUD.
Les premiers projets pilotes installés autour du lac Télé montrent qu’un revenu régulier issu de cultures de cacao bio ou de poisson fumé peut dépasser, sur une saison, ce que rapporte la vente clandestine d’écailles, selon les chiffres de la préfecture.
Coopération internationale et perspectives
Malgré ces avancées, les ONG soulignent la nécessité d’améliorer la traçabilité des saisies pour démanteler les réseaux régionaux, souvent liés à des circuits de blanchiment plus larges, impliquant bois précieux et minerais.
Les résultats obtenus par le Congo-Brazzaville ont d’ailleurs été salués lors de la dernière session de la CITES, où la délégation de Brazzaville a mis en avant une baisse de 18 % des saisies de trophées de panthères sur trois ans.
L’introduction, en 2024, d’une plateforme numérique partagée entre douanes, gendarmerie et parquet devrait faciliter le suivi des pièces à conviction et la coopération judiciaire, estime la procureure adjointe Émilienne Okouya.
À Impfondo, chaque procès public, chaque patrouille fluviale, rappelle que la préservation de la panthère et du pangolin n’est pas seulement une affaire de conservation, mais un engagement collectif envers une économie durable et la réputation internationale du Congo-Brazzaville.