Le FLNG Nguya met les voiles
Au port de Shanghai, le 26 août, l’unité flottante de liquéfaction de gaz naturel Nguya a levé l’ancre sous les applaudissements d’ingénieurs congolais et chinois. Son départ marque, selon le ministre des Hydrocarbures Bruno Jean Richard Itoua, « une étape structurante pour notre souveraineté énergétique ».
En moins de trente-trois mois, l’usine a été construite, équipée, testée puis certifiée, une cadence régulièrement évoquée comme exemplaire par le partenaire technique Eni. Pour la République du Congo, ce calendrier record illustre la montée en compétence d’une filière gazière encore jeune.
Synergie publique-privée
La coopération tripartite entre la société nationale SNPC, Eni Congo et Lukoil s’est avérée déterminante. Le schéma contractuel partage les risques, tout en assurant, selon les analystes de l’AEC, un alignement d’intérêts qui garantit la livraison des volumes au marché dans les coûts prévus.
L’arrivée de Nguya, combinée à l’unité Tango opérationnelle depuis décembre 2023, portera la capacité de liquéfaction à trois millions de tonnes par an. Brazzaville ambitionne ainsi de figurer parmi les dix premiers fournisseurs africains de GNL dès la fin de l’année.
Technologie bas carbone
Conçue autour d’une turbine à cycle combiné, la plateforme limite les émissions grâce à la récupération de chaleur et au rejet quasi nul de méthane. Le projet s’inscrit dans la politique nationale d’élimination du torchage, saluée par plusieurs organisations environnementales régionales.
Les revenus d’exportation additionnels sont estimés à plus d’un milliard de dollars par an à maturité, selon les prévisions du Trésor public. Ces devises devraient permettre de renforcer les réserves, financer des infrastructures nationales et stabiliser le cadre macroéconomique.
Création de valeur locale
À Pointe-Noire, les sous-traitants locaux recrutent déjà des soudeurs qualifiés, des opérateurs de contrôle procédés et des logisticiens. L’Association congolaise des fournisseurs de services pétroliers anticipe jusqu’à deux mille emplois directs supplémentaires une fois la chaîne de valeur pleinement opérationnelle.
Sur le plan énergétique, la disponibilité de gaz liquéfié soutiendra les centrales thermiques domestiques et réduira l’usage du diesel importé. Le ministère de l’Énergie insiste sur la baisse attendue des coûts de production électrique pour l’industrie et les ménages urbains.
Effet géoénergétique régional
Les États voisins, dépourvus d’accès direct à la mer, voient dans le port de Pointe-Noire une option logistique pour leurs propres ambitions gazières. Des discussions préliminaires avec la République centrafricaine et le Tchad explorent la mutualisation d’infrastructures de stockage et de transport.
Pour l’AEC, le timing de l’opération envoie « un signal de sérieux et de fiabilité » aux marchés financiers. Les banques de développement évaluent déjà des facilités supplémentaires, arguant que la réussite de Tango et Nguya réduit substantiellement le risque pays perçu.
Paroles d’acteurs
« Le départ de Nguya prouve la capacité du Congo à convertir le gaz en emplois, en revenus et en croissance », a rappelé NJ Ayuk. Le dirigeant a également mis en avant la vision gouvernementale consistant à faire du pays « la plaque tournante du GNL africain ».
La réglementation encadrant la gestion des revenus gaziers prévoit un fonds souverain dédié, assorti d’exigences de transparence inspirées de l’ITIE. Selon le ministère des Finances, ces dispositions visent à rassurer la société civile et à consolider la gouvernance macro-budgétaire.
Décarbonation maîtrisée
Les ingénieurs soulignent que l’installation accueille un système de captage intégré du CO₂ de procédé, réduisant l’intensité carbone à moins de 0,2 tonne par tonne de GNL, un niveau inférieur à plusieurs terminaux comparables au Golfe du Mexique, d’après les données communiquées par Eni Congo.
Des ONG locales rappellent toutefois la nécessité de surveiller les impacts sur la biodiversité marine. Le ministère de l’Environnement souligne que les relevés initiaux de faune pélagique constituent un socle de référence et que des suivis trimestriels seront publiés pour maintenir la confiance publique.
Opportunités industrielles
L’extension du cluster gazier ouvre aussi la porte à des entreprises indépendantes de services, de la cryogénie aux drones d’inspection. Le patronat local plaide pour des incitations fiscales ciblées afin de consolider cette émergence d’un tissu industriel autour de la transformation du gaz.
Sur la scène diplomatique, Brazzaville voit dans le GNL un outil de coopération Sud-Sud. Les discussions récentes avec le Sénégal et le Mozambique portent sur l’échange d’expertise en matière de formation technique et de données sismiques, renforçant un réseau énergétique continental plus intégré.
Feuille de route 2024-2025
Le gouvernement table désormais sur la mise en service commerciale de Nguya au quatrième trimestre. Un comité interministériel suit les jalons, depuis le remorquage transocéanique jusqu’à l’amarrage définitif, afin de respecter l’objectif annoncé et d’assurer la synchronisation avec les contrats d’offtake.
Avec Nguya, la République du Congo confirme une stratégie énergétique axée sur le gaz, censée accompagner sa transition économique et soutenir ses engagements climatiques. La trajectoire, saluée par l’AEC, illustre la possibilité d’un développement industriel sobre en carbone et ancré dans les réalités africaines.