Pointe-Noire, laboratoire de l’emploi vert
Durant trois journées intenses, l’auditorium du Port autonome de Pointe-Noire a résonné des préoccupations de la jeunesse congolaise. Le Forum Horizon Initiative et Créativité, cinquième du nom, y a exploré l’avenir de l’emploi sous l’angle de l’économie durable.
En présence de ministres, d’experts internationaux et de 500 jeunes, l’événement a associé débats, formations et expositions. Au-delà du seul recrutement, l’accent a porté sur la création d’activités génératrices de revenus respectueuses des écosystèmes côtiers et forestiers.
Des financements ciblés pour une croissance inclusive
Le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement a octroyé plus de 63,8 millions de francs CFA à des porteurs de projets. Dix initiatives jugées exemplaires recevront chacune jusqu’à dix millions, de quoi transformer des idées vertes en entreprises viables.
Cette injection de liquidités s’ajoute aux facilités offertes par l’Agence congolaise pour l’emploi, qui a recensé 1 200 profils recherchés dans les industries pétrolière, logistique et agro-pastorale, gage d’un ancrage territorial solide des nouveaux diplômés.
Former aux métiers durables, un impératif
Plus de 400 jeunes ont suivi des modules pratiques dans les filières agro-pastorales, sous l’égide de l’incubateur de la Congolaise agricole. Techniques de compostage, diversification des semences et gestion de l’eau ont structuré ces ateliers.
La démarche répond à la vision présidentielle de faire de l’agriculture un vecteur d’autosuffisance et de baisse des émissions. Selon le ministère de l’Enseignement technique, ces programmes seront étendus aux départements de la Cuvette et du Niari dès 2024.
Un écosystème d’acteurs publics-privés consolidé
En marge des panels, trente-deux entreprises ont signé des protocoles avec des associations de jeunes pour faciliter l’accès aux stages. Le port de Pointe-Noire a, par exemple, ouvert un guichet unique dédié aux start-ups spécialisées dans la récupération des déchets plastiques.
Cette synergie illustre la volonté gouvernementale de créer des grappes d’innovation territoriales. Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a salué une dynamique « empreinte de solidarité » qui anticipe les objectifs de la future Stratégie nationale bas-carbone.
Témoignages de jeunes entrepreneurs écologiques
Devant un public attentif, Grâce Mvoula, lauréate du Prix Gold Le Prince, a présenté son projet de briques éco-compressées produites à partir de latérite et de résidus de scierie. « Je veux bâtir des logements abordables qui préservent la forêt », a-t-elle déclaré.
Autre exemple inspirant, Thierry Boukaka exploite les algues invasives du littoral pour fabriquer un biocombustible vendu aux ménages. Soutenu par une subvention du Figa, il prévoit de tripler sa capacité et d’embaucher vingt techniciens d’ici deux ans.
Perspectives régionales et diplomatiques
Située sur le corridor Atlantique, Pointe-Noire pourrait devenir une plateforme d’exportation de solutions climatiques vers les pays voisins. Des délégations venues d’Angola et du Gabon ont déjà manifesté leur intérêt pour les modules de formation certifiés par l’Union africaine.
Selon l’expert camerounais Jean-Bernard Ekollo, « la diplomatie climatique africaine nécessite des hubs comme celui-ci pour mutualiser les compétences ». Une proposition de réseau francophone des centres d’incubation durables sera soumise lors de la COP28 à Dubaï.
Entreprises et climat d’affaires encourageant
Les chefs d’entreprise présents ont insisté sur la stabilité macroéconomique du Congo, favorable aux investissements verts. La lettre de politique nationale sur l’économie circulaire, publiée en juin, offre des incitations fiscales aux sociétés qui réduisent leur empreinte carbone auditable.
Pour Pierre Mabiala, ministre d’État chargé des relations avec le Parlement, « le succès confirme la pertinence d’un partenariat public-privé où chacun partage le risque et l’innovation ». Son département travaille déjà à sécuriser le foncier pour les agro-incubateurs.
Vers une cartographie des compétences vertes
L’Observatoire national de l’employabilité, rattaché au ministère du Plan, a profité du forum pour lancer une enquête temps réel sur les compétences manquantes dans les énergies renouvelables, la gestion des déchets et la finance carbone. Les résultats guideront les curricula universitaires.
Un partenariat technique avec l’Organisation internationale du Travail offrira une méthodologie harmonisée, permettant au Congo de se comparer aux standards africains. À terme, un portail en ligne facilitera l’orientation des jeunes vers les pôles de formation disponibles.
Gouvernance et cohérence des politiques
Les observateurs soulignent la nécessité d’une gouvernance inter-ministérielle pour garantir la pérennité des acquis. Un comité de suivi trimestriel impliquant société civile, secteur privé et partenaires techniques évaluera l’impact social et environnemental des financements.
Cette approche s’inscrit dans l’Agenda 2030 et la Vision africaine 2063, rappelant que la création d’emplois verts constitue un vecteur de paix sociale. Les bailleurs présents ont insisté sur la transparence des indicateurs pour attirer davantage de ressources concessionnelles.
Horizon 2025 : cap sur l’innovation durable
En clôturant la rencontre, la coordonnatrice Aline France Etokabeka a exhorté les jeunes à « montrer leur courage et leur créativité » pour que le Congo de demain s’appuie sur leur énergie. Son message résonne comme un appel à la responsabilité partagée.
Les perspectives dégagées par le Fhic traduisent un consensus : la transition écologique peut être un formidable levier d’inclusion si la formation, le financement et la gouvernance avancent de concert. Rendez-vous est déjà pris pour la sixième édition annoncée à Brazzaville.