SAMEB 2025 : vitrine du génie congolais
La quatrième édition du Salon des Métiers du Bois, ouverte le 11 août 2025, face au stade Président-Massamba-Débat, marque une étape symbolique pour la filière bois. Durant quinze jours, 136 artisans dévoilent un savoir-faire qui épouse à la fois ambition économique nationale et conscience écologique croissante et responsable.
Accueillis par les ministres des PME et de l’Économie forestière, de même que par la représentante du PNUD, les exposants déclinent le thème «Bois et artisanat: de la forêt à la maison, consommons congolais». Le slogan résonne comme un appel à valoriser les ressources internes de manière durable.
L’artisanat bois, levier de diversification économique
La ministre Jacqueline Lydia Mikolo rappelle que cette exposition s’insère dans la stratégie nationale de diversification prônée par Brazzaville. L’artisanat, longtemps marginal, apparaît désormais comme un vecteur crédible de création d’emplois non extractifs, complémentaire au pétrole et capable d’amorcer une économie circulaire locale dans tout le territoire national.
Selon les données du ministère de l’Économie forestière, seul 1,7 million de mètres cubes de bois sont transformés sur un potentiel évalué à 900 millions. Cette sous-exploitation est perçue par le gouvernement comme une marge de progression susceptible d’augmenter les revenus hors hydrocarbures et créer davantage d’emplois locaux.
Gestion forestière durable et urgence climatique
Le bassin du Congo abrite la deuxième forêt tropicale mondiale, pilier majeur de l’absorption carbone planétaire. Pour Rosalie Matondo, «l’équilibre entre production et conservation conditionne notre avenir commun». Le salon sert ainsi de laboratoire grandeur nature pour promouvoir la gestion durable auprès des acteurs privés et publics nationaux.
Plusieurs menuiseries exposent des gammes conçues avec des essences sous-certification FSC. Bien que la superficie certifiée demeure modeste, cette vitrine témoigne d’une montée en puissance des standards internationaux au Congo, soutenue par des bailleurs comme le PNUD et la Banque africaine de développement, favorables aux chaînes vertes émergentes.
Compétences, protection sociale et capitaux
Au-delà de l’exposition, des ateliers gratuits instruisent les participants sur la teinture naturelle, les colles sans solvants ou la conception assistée par ordinateur. L’objectif est de professionnaliser des dizaines de jeunes, conformément au plan gouvernemental qui lie renforcement des compétences et compétitivité sur les marchés continentaux à venir.
Le dossier social n’est pas occulté. La couverture maladie universelle, récemment étendue aux indépendants, inclut désormais les artisans déclarés, tandis qu’un mécanisme pilote de retraite complémentaire est testé dans la menuiserie. Plusieurs participants saluent cette avancée, la qualifiant de première étape vers une véritable dignité professionnelle au quotidien.
Côté financement, le Fonds national de soutien aux PME artisanales mobilise un milliard de francs CFA sur la période 2024-2026. Les prêts, bonifiés à quatre pour cent, ciblent la modernisation des ateliers et l’acquisition de séchoirs solaires, améliorant la qualité des meubles et réduisant l’empreinte énergétique des entreprises.
Rayonnement diplomatique et intégration régionale
Par sa localisation stratégique, Brazzaville ambitionne de devenir une plateforme régionale pour la transformation responsable des essences tropicales. Le SAMEB accueille déjà des délégations camerounaises et gabonaises. Cette circulation d’idées contribue à harmoniser les normes et à positionner le Congo comme médiateur technique du bassin au plan multilatéral.
La représentante résidente du PNUD, Adama Dian Barry, voit dans le salon «un exemple opérationnel de l’Agenda 2063 de l’Union africaine». L’organisme onusien appuie la mise en place d’un observatoire numérique des flux bois artisanaux, destiné à améliorer la traçabilité et soutenir la lutte contre la déforestation locale.
Les experts interrogés soulignent toutefois les risques d’engorgement logistique si l’offre grimpe plus vite que les capacités portuaires. Ils appellent à renforcer le corridor Pointe-Noire-Brazzaville, jugé crucial pour exporter des meubles finis à valeur ajoutée, plutôt que des grumes brutes aux recettes fiscales limitées à très court terme.
Perspectives et transition juste
D’ores et déjà, les organisateurs annoncent une édition 2026 élargie aux matières biosourcées, comme le bambou et la jacinthe d’eau. Cette orientation correspond aux engagements climatiques du Congo, classés parmi les Contributions Déterminées Nationales les plus ambitieuses d’Afrique centrale par le Climate Action Tracker publié en juin 2024.
À court terme, la priorité reste l’accès régulier aux marchés urbains. Le maire de Makélékélé, Edgar Bassoukissa, envisage d’aménager un comptoir permanent adossé au futur village artisanal. Une étude d’impact évaluera l’effet socio-économique de cette infrastructure sur les quartiers périphériques et la cohésion communautaire dans la durée prochaine.
Pour les observateurs internationaux, l’initiative congolaise illustre une approche pragmatique de la transition juste, articulant croissance, emploi et préservation des écosystèmes. Elle rappelle que la diplomatie climatique ne se limite pas aux conférences, mais se construit aussi dans les ateliers où l’on ponce, sculpte et vernit chaque jour.
Au soir du 25 août, la cloche finale du SAMEB devrait sonner comme un début plutôt qu’une clôture. Artisans, pouvoirs publics et partenaires étrangers convergent vers une vision partagée: faire du bois congolais un emblème économique et environnemental, conciliant souveraineté, innovation et responsabilité collective durable pour les générations.