Gestion des plaintes, un enjeu clé pour le Pool
Le département du Pool, fragile interface entre savane et forêt, vient de franchir une étape décisive dans la prévention des conflits socio-environnementaux. Un atelier organisé à Kinkala a réuni autorités, organisations paysannes et leaders autochtones autour d’un mécanisme de gestion des plaintes désormais revisité.
La démarche, soutenue par le Programme d’utilisation durable des terres pour le Congo (PUDT), entend garantir que chaque citoyen affecté par un projet agricole ou d’infrastructure possède une voie rapide, transparente et gratuite pour exprimer ses préoccupations et obtenir réparation dans des délais raisonnables.
Un dispositif participatif pour apaiser les tensions foncières
Au cœur du dispositif, le Mécanisme de gestion des plaintes et recours (MGPR) repose sur un registre unique, des fiches de suivi standardisées et une équipe départementale formée à la médiation. Ces outils facilitent la traçabilité des doléances et la collecte de données pour orienter l’action publique.
“Nous voulons casser la logique du silence”, explique Antoine Goma, coordonnateur national du PUDT. Selon lui, prévenir les tensions relatives à l’usage des sols passe par la reconnaissance des droits et par la mobilisation des parties prenantes dès les premières phases de planification territoriale.
Le dialogue ouvert, instauré durant l’atelier, a permis d’identifier plusieurs types de litiges récurrents : délimitations coutumières, accès à l’eau, empiétements agricoles et indemnisation. L’harmonisation des procédures devrait réduire le recours aux tribunaux et renforcer la confiance envers les institutions locales.
Le cadre légal congolais au service des communautés
La législation congolaise exige désormais un Consentement libre, informé et préalable (CLIP) pour toute initiative susceptible d’impacter les Peuples autochtones et les communautés locales. Cet impératif, réaffirmé par les directives nationales publiées en 2022, inscrit la participation communautaire au cœur des stratégies de développement rural.
Le PUDT a contribué à l’élaboration de ces directives, en collaboration avec la Direction générale de la promotion des peuples autochtones. “Le CLIP n’est pas un simple formulaire ; c’est un processus social continu”, rappelle un cadre du ministère de l’Aménagement du territoire, présent à Kinkala.
De l’avis des observateurs, l’alignement entre le MGPR et le CLIP crée une architecture cohérente : le premier traite les litiges, le second prévient les conflits. Ensemble, ils matérialisent l’engagement du Congo à conjuguer croissance agricole, cohésion sociale et préservation des écosystèmes.
Du pilotage national aux réalités du terrain
Porté par un financement multilatéral, le PUDT s’appuie sur deux leviers. Le volet stratégique prépare le Plan national d’affectation des terres et les schémas départementaux, tandis que le volet investissement sélectionne des territoires pilotes pour déployer une agriculture climato-intelligente.
Dans le Pool, trois districts savanicoles ont été retenus. Les chaînes de valeur manioc, haricot et miel y seront renforcées grâce à des pratiques agro-écologiques et à la réhabilitation de pistes rurales. Des études d’impact environnemental accompagneront chaque action pour minimiser la déforestation.
Le MGPR servira d’indicateur de performance. Les délais de résolution, la satisfaction des plaignants et la proportion de femmes ayant recours au mécanisme seront consolidés puis transmis au comité national de pilotage. Ces données orienteront les arbitrages budgétaires et les formations.
Les autorités départementales voient dans cette remontée d’information une opportunité de mieux cibler les investissements publics. “Nos budgets doivent répondre aux griefs exprimés par les habitants, pas seulement aux priorités techniques”, souligne un responsable de la préfecture, saluant une dynamique de gouvernance ascendante.
Intégrer le genre pour renforcer la cohésion sociale
Une procédure spécifique couvre désormais les violences basées sur le genre. Elle prévoit l’anonymat des survivantes, un référencement vers les services de santé et un accompagnement psychologique. Les dossiers de VBG seront traités hors délai standard pour éviter toute revictimisation.
Le plan de communication insiste sur les relais communautaires féminins, les émissions radio en langues locales et l’affichage dans les marchés. Objectif : faire connaître le MGPR aux groupes les plus vulnérables qui, d’après des évaluations antérieures, ignorent souvent l’existence de voies de recours.
Des associations de femmes productrices ont salué cette évolution. “La distribution foncière reste dominée par les chefferies masculines. Le dispositif nous ouvre enfin une porte”, confie la présidente d’une coopérative de Louingui, espérant que les statistiques sexuées inspireront de nouvelles réformes.
Attentes et perspectives des parties prenantes locales
Les participants ont recommandé de digitaliser le registre des plaintes pour accélérer le traitement et de former les chefs de village à la collecte de preuves photographiques. Une proposition de partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi est à l’étude pour accompagner ce virage numérique.
Ils souhaitent également que les résultats du MGPR soient publiés trimestriellement afin de susciter un débat public éclairé. Pour l’heure, le PUDT envisage un bulletin départemental qui vulgarisera statistiques, bonnes pratiques et histoires de médiations réussies, gage de transparence.
En filigrane, l’atelier de Kinkala illustre la mutation d’une culture administrative vers une approche plus inclusive. En dotant la population d’outils de plainte robustes, le Congo renforce sa résilience institutionnelle face aux défis climatiques et fonciers qui se profilent à l’horizon 2030.