Arrestations 2025: la criminalité faunique sous pression
À Brazzaville, les audiences de juillet ont passionné les observateurs: neuf prévenus, accusés de trafic de peaux de panthère et d’ivoires, comparaissaient pour des faits commis entre janvier et mai. Leur procès illustre l’accélération nationale contre la criminalité faunique.
Fondée sur la loi 37-2008 portant faune et aires protégées, l’action publique s’appuie désormais sur des peines dissuasives pouvant atteindre cinq années de réclusion et des amendes salées. Cette base juridique, régulièrement rappelée par les procureurs, consolide la crédibilité institutionnelle.
Selon la direction générale des Eaux et Forêts, neuf arrestations ont été enregistrées en sept mois, contre quatre sur toute l’année précédente. L’indicateur, loin de signifier une hausse des délits, reflète surtout une capacité de détection accrue grâce aux patrouilles mixtes.
Application robuste de la loi 37-2008
Les opérations d’Impfondo, d’Owando puis de Dolisie ont mobilisé drones légers, unités cynophiles et informateurs communautaires. À chaque saisie, les enquêteurs ont documenté la chaîne d’approvisionnement, de la forêt jusqu’aux acheteurs urbains, permettant de cartographier des itinéraires longtemps demeurés obscurs.
Le capitaine Jean-Blaise Okouélé, commandant la brigade mobile, souligne que « la symbiose entre gendarmerie et agents forestiers réduit considérablement le délai d’intervention ». Les postes de contrôle routier reçoivent désormais, en temps réel, les plaques suspectes via une plateforme cryptée.
En arrière-plan, le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, financé par des fondations privées, fournit expertises balistiques, chiens renifleurs et conseils procéduraux. « Notre mandat est d’épauler les institutions nationales, pas de les remplacer », insiste son coordonnateur Cyrille Mombé.
Espèces protégées et réponse judiciaire
Les trophées interceptés appartiennent à des espèces dites intégralement protégées: éléphant de forêt, panthère, pangolin géant. Le marché international, notamment asiatique, maintient une demande soutenue en ivoire et en écailles, ce qui renchérit la valeur de chaque cargaison clandestine.
Sur les neuf inculpés, huit ont déjà été condamnés, dont cinq à des peines fermes allant jusqu’à trente mois. Les décisions, publiées intégralement sur le site du ministère de la Justice, servent de jurisprudence et sont commentées dans les radios communautaires pour maximiser l’effet dissuasif.
Plusieurs magistrats ont récemment suivi une formation sur la Convention sur le commerce international des espèces (CITES) organisée avec l’École nationale d’administration. Cette mise à niveau, saluée par le Barreau, facilite la qualification des délits et limite les renvois d’audience pour vice de procédure.
Synergies internationales et communautaires
Dans ses attendus, le tribunal de Dolisie a rappelé la primauté de l’intérêt écologique collectif sur l’avantage économique individuel, ancrant la protection de la biodiversité dans le bloc de constitutionnalité. Une rhétorique juridique qui conforte les ambitions du Plan national de développement durable.
Parallèlement, Interpol et l’Organisation mondiale des douanes partagent avec Brazzaville des bases de données de numéros de plaque et de micro-puces insérées dans l’ivoire. L’échange d’information, discret, permet d’anticiper les itinéraires transfrontaliers vers la Centrafrique ou le Cameroun, zones charnières du trafic.
Sur le terrain, les communautés autochtones jouent un rôle sentinel. Quelque 120 éco-gardiens recrutés dans le nord de la Likouala perçoivent une rémunération mensuelle et bénéficient de soins primaires. Leur connaissance fine du relief accélère la localisation des caches et l’extraction des pièges métalliques.
Médias, opinion publique et alternatives vertes
La couverture médiatique s’intensifie également. De la télévision publique aux plateformes numériques, chaque arrestation est relayée avec infographies et entrevues de spécialistes. Cette exposition, selon le sociologue Blaise Mondzango, crée une norme sociale défavorable au braconnage et renforce le capital symbolique des institutions.
«En dix ans de reportage, je n’avais jamais vu des verdicts publiés aussi vite», confie la journaliste Mireille Tchissambou. Son équipe prépare un podcast consacré aux laboratoires de génétique qui, à Pointe-Noire, retracent l’origine des ivoires saisis grâce à l’analyse isotopique.
Pour couper l’herbe sous le pied aux recruteurs de trafiquants, des programmes agroforestiers expérimentaux proposent des revenus alternatifs. À Owando, 300 ménages cultivent désormais cacao et apiculture sous couvert forestier, générant un bonus carbone vendu sur des marchés volontaires, détaille l’Agence congolaise d’électrification rurale.
Cette approche, articulée avec le Plan d’accélération de l’industrialisation, démontre qu’économie verte et lutte anti-braconnage ne sont pas antinomiques. Les autorités locales insistent toutefois sur la nécessité de formations continues afin d’éviter une simple substitution du braconnage par l’agriculture sur brûlis.
Innovation, traçabilité et contrôle citoyen
Dans les prochains mois, un système de traçabilité block-chain pour l’ivoire confisqué doit être testé avec l’appui de la Banque africaine de développement. L’objectif est de garantir que les pièces, stockées à la base logistique de Makoua, n’alimentent pas des circuits parallèles.
En fédérant expertise internationale, fermeté judiciaire et initiatives villageoises, le Congo consolide une approche intégrée face au trafic d’espèces menacées. Les indicateurs 2025 suggèrent une dynamique vertueuse que les partenaires appellent désormais à pérenniser pour préserver un patrimoine faunique d’exception.
Un comité de suivi, regroupant chercheurs, journalistes et élus locaux, publiera chaque trimestre un tableau de bord des arrestations, des saisies et des programmes socio-économiques, afin d’assurer la transparence.