Les jeunes fixent le cap vert
Sous les lambris de l’Hôtel Saphir, les visages juvéniles rivalisent de gravité. Jonathan Lumbeya Masuta dévoile, sous les applaudissements, le rapport final de la table-ronde tenue le 12 août à Kinshasa. Le texte trace une feuille de route écologique façonnée par 500 délégués africains.
En plaçant la jeunesse au centre, le Fijada souhaite dépasser la rhétorique et inscrire, d’ici 2030, des indicateurs mesurables sur la réduction des émissions, la protection des tourbières du bassin du Congo et la promotion d’emplois durables dans l’agroforesterie et l’énergie solaire.
Kinshasa-Brazzaville : un pont climatique
Le passage symbolique du document de Kinshasa à Brazzaville s’inscrit dans la diplomatie verte prônée par la CEEAC. Le fleuve, lien historique entre les deux capitales, devient vecteur d’idées nouvelles que le Congo-Brazzaville entend intégrer à ses plans nationaux de développement durable.
« Notre génération ne peut plus attendre des sommets lointains », lance Daniel Biangoud, nouvellement désigné coordinateur du bureau national. Selon lui, la restitution brazzavilloise matérialise une réappropriation locale des décisions internationales, sans opposer les priorités climatiques aux exigences sociales telles que la santé ou l’emploi.
La présence annoncée d’un émissaire onusien, du ministre Léon-Juste Ibombo et d’élus nationaux traduit un soutien institutionnel croissant. Les organisateurs saluent l’écoute constructive du gouvernement, notamment sur la création d’un fonds dédié aux initiatives climatiques des jeunes, actuellement en discussion avec le ministère des Finances.
Priorités : forêts, eau, villes durables
Premier axe du rapport : la conservation du massif forestier congolais. Les délégués réclament une cartographie communautaire des zones à haute valeur de carbone. Le directeur de l’ONG Rencontre pour la Paix et les Forêts estime que cette démarche « pérennise les savoirs autochtones et rassure les investisseurs ».
Deuxième priorité : l’accès à l’eau potable dans les zones périurbaines. Des prototypes de filtres biosourcés, testés à Kisangani, seront adaptés aux quartiers périphériques de Brazzaville avec l’appui technique de l’université Marien-Ngouabi. Les jeunes ingénieurs évoquent une réduction possible de 60 % des maladies hydriques.
Enfin, le rapport insiste sur la planification urbaine. Inspiré par Kigali, le groupe suggère des couloirs verts pour atténuer les îlots de chaleur et favoriser la mobilité douce. Les mairies de Moungali et de Poto-Poto seraient prêtes à lancer des études de faisabilité dès 2026.
Une coopération étendue au secteur public
Selon le ministère des Hydrocarbures, la baisse programmée des torchages de gaz ouvre des gisements d’emploi pour des techniciens formés par le Fijada. Le conseiller énergétique du ministre assure que « chaque projet approuvé intégrera désormais un quota minimal de stagiaires issus du réseau associatif ».
L’Agence française de développement étudie, de son côté, une ligne de crédit destinée aux start-up climatiques dirigées par des femmes. Les discussions initiales évaluent une enveloppe de dix millions d’euros, conditionnée à la publication annuelle d’indicateurs sociaux et environnementaux vérifiés par un cabinet indépendant.
Pour le sociologue Albert Malonga, cette articulation entre bailleurs, pouvoirs publics et société civile « représente une gouvernance polycentrique susceptible de renforcer la résilience des territoires ». Il estime toutefois que la pérennité dépendra d’un suivi rigoureux des engagements, notamment sur la transparence financière.
Prochaines étapes du Fijada
Le calendrier dévoilé à Brazzaville prévoit l’organisation, en mars 2026, d’un hackathon panafricain sur la valorisation des déchets plastiques. Les villes hôtes potentielles sont Pointe-Noire, Abidjan et Maputo. Des partenariats universitaires doivent faciliter la diffusion des prototypes sur l’ensemble du continent.
En parallèle, le bureau national ouvrira un observatoire citoyen des politiques climatiques. Ses tableaux de bord seront mis à jour tous les semestres et partagés avec l’Assemblée nationale. L’objectif affiché est de promouvoir une culture d’évaluation où les jeunes demeurent des partenaires crédibles.
Dans un contexte où la région d’Afrique centrale subit déjà les effets du dérèglement, l’installation du Fijada à Brazzaville envoie un signal d’ancrage local. Les acteurs économiques, appelés à rejoindre la plateforme, considèrent ce maillage comme un moteur futur de compétitivité verte.
« La transition restera sociale ou ne sera pas », prévient la chercheuse camerounaise Marie Tsapi, jointe par visioconférence. Elle rappelle que 70 % des jeunes Africains travaillent dans l’informel. Pour eux, la croissance bas carbone doit offrir rapidement des revenus alternatifs, notamment via l’économie circulaire.
Au terme de la cérémonie, Jonathan Lumbeya Masuta insiste sur la continuité avec les engagements nationaux, notamment la Contribution déterminée au niveau national actualisée en 2025. « Notre rôle est d’enrichir, pas de concurrencer », conclut-il, avant d’inviter les participants à planter un arbre symbolique.
Les experts présents rappellent que la jeunesse représente plus de 60 % de la population congolaise. En investissant dans leurs projets, les institutions locales s’assurent un dividende démographique susceptible de stimuler l’innovation. Plusieurs grandes entreprises forestières auraient déjà proposé des mentorats techniques et un accès aux données satellitaires.
Rendez-vous est pris pour août 2027, date pressentie du prochain forum Fijada. Les jeunes entendent y présenter des résultats chiffrés, convaincus que la crédibilité passe par la preuve.