Une mobilisation diplomatique inédite
La participation de l’ambassade du Venezuela au grand nettoyage mensuel lancé par le gouvernement congolais marque une première dans l’histoire récente de la diplomatie à Brazzaville. Elle illustre l’élargissement de l’initiative nationale d’assainissement au-delà des cercles administratifs, jusque dans les chancelleries étrangères installées sur les berges du fleuve.
Alors que plusieurs capitales africaines peinent à organiser la collecte des déchets, Brazzaville multiplie les partenariats. L’implication vénézuélienne, connue pour ses programmes sociaux, confirme la stratégie nationale d’assembler acteurs publics, privés et internationaux dans une dynamique collective et visible.
Le campus Marien-Ngouabi au cœur de l’action
Le site retenu, l’université Marien-Ngouabi, symbolise à la fois l’excellence académique congolaise et les défis d’un patrimoine bâti dense. Ses amphithéâtres et allées arborées accueillent quotidiennement plus de vingt-cinq mille étudiants, générant un flux de déchets comparable à celui d’un arrondissement entier.
Balais, râteaux et gants distribués à l’aube ont permis d’atteindre les espaces les plus fréquentés, notamment la faculté de droit et l’École normale supérieure. Selon la direction du campus, près de sept tonnes de déchets ont été récupérées en moins de quatre heures, sans perturber les cours.
Une coopération tripartite exemplaire
La configuration de l’opération reposait sur un triangle décisionnel équilibré : ministère de l’Assainissement, ambassade du Venezuela, rectorat. Chaque entité a mobilisé ses ressources : camions-bennes publics, sacs biodégradables fournis par la mission diplomatique, et encadrement scientifique assuré par des enseignants-chercheurs spécialistes des déchets solides urbains.
« Il était important de montrer que la diplomatie peut agir concrètement », a déclaré l’ambassadrice Laura Suárez, annonçant des projets communs de recyclage du plastique. Le ministre d’État Jean Jacques Bouya a salué une action « exemplaire et réplicable ».
Sensibiliser la jeunesse à l’éco-citoyenneté
Les étudiants du cours d’espagnol ont profité de la présence des diplomates pour animer des mini-ateliers autour du tri sélectif. En langue de Cervantès, ils ont rappelé que « la propreté est la première lettre de l’alphabet du développement », suscitant applaudissements et viralité sur les réseaux sociaux locaux.
Des questionnaires rapides distribués en fin de matinée révèlent que 78 % des participants envisagent désormais de composer un comité vert dans leurs facultés. Pour le sociologue Alain Mampouya, cette dynamique, bien qu’incipiente, renforce l’idée d’une appropriation communautaire indispensable à la durabilité des politiques environnementales.
Six mois d’efforts nationaux d’assainissement
Lanc 26#233;e le 3 f 26#233;vrier 2025, la conf 26#233;rence nationale sur l 26#39;assainissement avait d 26#233;bouch 26#233; sur dix 26#8209;sept recommandations. La plus visible reste l 26#39;instauration, chaque premier samedi, d 26#39;une mobilisation citoyenne. D 26#39;Edouard 26#8209;Joseph 26#224; Mak 26#233;l 26#233;k 26#233;l 26#233;, on observe aujourd 26#39;hui une baisse de 12 % du volume de d 26#233;chets non collect 26#233;s selon l 26#39;Agence urbaine.
Le gouvernement souligne que ces progr 26#232;s, certes encourageants, demandent 26#224; 26#234;tre consolid 26#233;s par un financement accru du secteur et une meilleure implication des m 26#233;nages. Le minist 26#232;re 26#233;value 26#224; 10 milliards de francs CFA le co 26#251;t annuel d 26#39;une couverture int 26#233;grale, soit l 26#39; 26#233;quivalent de 0,4 % du produit int 26#233;rieur brut.
Enjeux sociologiques et environnementaux
Derrière l’image conviviale des balais se cachent des enjeux d’inégalités urbaines. Les quartiers périphériques, moins dotés en infrastructures, restent les plus exposés aux dépôts sauvages. Pour la géographe Mireille N’Guessan, la participation d’acteurs internationaux peut offrir un effet de levier en attirant l’attention médiatique.
Au plan environnemental, la réduction des déchets permet aussi de freiner l’obstruction des caniveaux, cause régulière d’inondations saisonnières à Brazzaville. L’Institut national de la météorologie estime que l’amélioration de la gestion des eaux pluviales pourrait diminuer de 18 % les pertes économiques liées aux crues.
Selon une étude récente de l’université de Kinshasa, chaque tonne de déchets organiques détournée de la décharge équivaut à 1,2 tonne de gaz à effet de serre évités. Exportée au contexte congolais, cette donnée confère à l’opération un intérêt climatique direct, conforme aux engagements de la COP28.
Perspectives pour une ville durable
Fort du succès enregistré, le ministère de l’Assainissement envisage de publier un guide opérationnel à destination des autres représentations diplomatiques. La perspective d’impliquer les entreprises pétrolières et forestières, grosses productrices de déchets industriels, est également citée comme axe de la prochaine phase, attendue pour 2026.
Dans ce contexte, Brazzaville pourrait devenir un laboratoire urbain pour l’économie circulaire en Afrique centrale. « Les métropoles régionales observent ce qui se passe ici », assure un fonctionnaire de la Communauté économique des États d’Afrique centrale, évoquant une possible mutualisation des meilleures pratiques dans la sous-région.
Le suivi statistique sera déterminant. Un tableau de bord hebdomadaire, élaboré avec l’appui de l’Organisation internationale de la francophonie, doit consolider les données de collecte, de recyclage et d’émissions évitées. Sa mise en ligne constituera une avancée majeure vers la transparence et la mesure d’impact.
En attendant, le café vénézuélien partagé à la fin du nettoyage a rappelé la dimension interculturelle de la démarche. Gestes simples, symboles forts : pour beaucoup, l’assainissement est devenu un terrain où se rencontrent la diplomatie, la recherche académique et les aspirations citoyennes à un environnement sain.