Brazzaville s’attaque durablement aux déchets
À Brazzaville, l’assainissement urbain a longtemps semblé un horizon lointain, tant la croissance démographique et l’urbanisation informelle compliquaient la gestion des déchets. Pourtant, la capitale congolaise affiche depuis quelques mois une physionomie différente, plus lisible, marquée par des artères nettoyées et dégagées.
Cette embellie découle de l’opération spéciale d’assainissement et de déguerpissement conduite par le ministère de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, initiative lancée en amont des célébrations nationales du 15 août et poursuivie au-delà.
Une opération spéciale aux résultats visibles
Le 13 août, à l’issue d’une tournée d’inspection, le ministre Juste Désiré Mondélé a délivré la mention « assez bien » à ses équipes, saluant des progrès qu’il a jugés « globalement positifs », de l’avenue Denis Sassou Nguesso au pont du Djoué.
Les artères nouvellement dégagées facilitent la circulation des piétons, tandis que les commerçants relocalisés dans des zones autorisées redécouvrent un espace public ordonné, selon plusieurs observations recueillies sur place auprès de riverains et de la police municipale.
Le changement est aussi visuel : bacs normalisés, marquages au sol repeints, éclairage public rétabli sur la corniche sud. Chaque intervention est documentée par l’agence municipale chargée du suivi, afin d’étayer un futur tableau de bord d’indicateurs d’hygiène et de sécurité.
Si la mention attribuée demeure prudente, la démarche s’inscrit dans une logique d’amélioration continue inspirée des référentiels de gestion urbaine durable promus par ONU-Habitat. Le ministère vise l’excellence, mais privilégie une montée en gamme graduelle et participative.
Vers une citoyenneté écologique partagée
« La propreté n’est pas seulement l’affaire de la municipalité, mais de tous les citoyens », a rappelé le ministre, insistant sur la « nouvelle citoyenneté » à faire émerger. Le concept mobilise la sociologie de l’engagement civique, fondée sur la co-responsabilité.
Dans plusieurs quartiers populaires, des comités de rue relaient les messages officiels. À Poto-Poto, le chef de bloc Jean-Baptiste Ngakosso affirme que ses voisins organisent désormais des corvées hebdomadaires : « Nous fermons la rue à la circulation deux heures pour balayer et curer les caniveaux ».
Les sociologues locaux soulignent que ces dynamiques de proximité rappellent les tontines de propreté instaurées dans les années 1980. La réactivation de tels répertoires d’action collective pourrait ancrer durablement les bonnes pratiques, à condition d’un accompagnement technique stable.
Santé publique et sécurité urbaine liées
Au-delà de l’esthétique, le lien entre hygiène et prévention sanitaire reste central. Le Congo a connu par le passé des épisodes de choléra aux abords du fleuve. Réduire les décharges sauvages diminue les risques de contamination hydrique et limite la prolifération des moustiques.
Le docteur Mireille Makosso, épidémiologiste à la faculté des sciences de la santé, rappelle qu’« une baisse de 10 % des déchets à ciel ouvert peut réduire d’un tiers les foyers larvaires ». Elle préconise un suivi entomologique couplé à l’assainissement mécanique.
La dimension sécuritaire n’est pas en reste : l’éclairage rétabli décourage les actes de petite délinquance. Un rapport interne de la gendarmerie, consulté par notre rédaction, note une baisse de 18 % des vols à l’arraché dans les zones récemment rééquipées.
Le rôle clé des pouvoirs publics et partenaires
Pour atteindre la mention « excellente », le ministère prévoit une synergie élargie avec la mairie de Brazzaville, les entreprises de collecte privées et les bailleurs internationaux. Un protocole d’accord avec la Banque africaine de développement devrait financer de nouveaux centres de transfert.
Ces plateformes intermédiaires réduiront la distance vers la future décharge contrôlée de Ngamakosso, projet structurant du Plan national d’adaptation. Les ONG environnementales espèrent y voir intégrer une filière de tri inclusif pour créer des emplois verts dans le recyclage plastique.
Le secteur privé répond présent. La start-up CleanTech 242 expérimente des capteurs connectés sur les bennes afin d’optimiser les tournées. Son dirigeant, Cédric Ibola, estime que « la data peut économiser 25 % de carburant et réduire l’empreinte carbone du service ».
Perspectives d’une capitale verte d’Afrique centrale
À moyen terme, Brazzaville ambitionne de rejoindre le réseau mondial des villes zéro déchet. Le Conseil municipal travaille déjà sur un schéma directeur des compostages de marchés, compatible avec la Stratégie nationale de lutte contre le changement climatique.
Les diplomates accrédités dans la capitale, fréquemment sollicités pour soutenir des micro-projets, y voient une opportunité d’image. « Une ville propre attire les investissements et renforce la stabilité régionale », analyse Juliette van Dyk, conseillère coopération à l’Union européenne.
Reste la question du financement pérenne. Le gouvernement étudie un modèle mixte où la redevance d’enlèvement serait proportionnelle au volume. Si elle voit le jour, Brazzaville pourrait devenir un laboratoire régional de fiscalité écologique tout en consolidant les acquis de l’opération spéciale.
Mesurer l’impact pour pérenniser l’effort
Le ministère projette de publier trimestriellement un baromètre de la propreté, inspiré des enquêtes européennes. Les indicateurs couvriront la densité de dépôts sauvages, la satisfaction des usagers et la valorisation des matières recyclables, afin de rendre compte en toute transparence.
Une plateforme participative permettra de signaler en temps réel un dépôt illicite ou un lampadaire défectueux. Ce dispositif favorisera une boucle de rétroaction rapide entre citoyens et administration.