Un don axé sur la prévention
Au port de Brazzaville, des palettes filmées s’alignent sous le soleil équatorial. Blouses blanches et gilets bleus du Pnud jouent des coudes pour décharger les cartons marqués « Fonds mondial ». L’image, largement relayée, symbolise la nouvelle phase de la riposte contre les flambées épidémiques.
Au cœur du lot figurent des sacs DASRI, des balais trapèzes, des pulvérisateurs et des bidons de chlore. Des objets ordinaires, mais qui, dans un centre de santé communautaire, déterminent la frontière entre une simple diarrhée isolée et l’explosion d’un foyer de choléra.
En remettant officiellement ce don, la représentante résidente du Pnud, Adama Dian-Barry, a rappelé « la solidarité des Nations unies envers les populations affectées » dans la cuvette congolaise. Le vocabulaire onusien se fait volontairement concret : l’opération vise à sécuriser l’eau et assainir les abords des dispensaires.
Le ministre de la Santé, Jean Rosaire Ibara, a salué une « concrétisation » qui arrive après des semaines de mobilisation locale. Les premiers stocks seront aiguillés vers Mossaka et l’île Mbamou, zones touchées où les inondations saisonnières ont fragilisé latrines, puits et circuits d’évacuation des déchets.
Une réponse articulée autour de la résilience communautaire
Au-delà de l’effet immédiat, l’initiative illustre une logique de résilience communautaire. Dans un contexte où le réchauffement intensifie la variabilité hydrologique du fleuve Congo, l’hygiène publique devient un pilier d’adaptation aussi stratégique que la reconstruction de digues ou l’aménagement de mangroves.
Les épidémiologistes rappellent qu’une crue record peut disperser les pathogènes loin du foyer initial. « Sans protocole de gestion des déchets biomédicaux, l’eau transporte la maladie plus vite qu’une ambulance », observe le Dr Clémence Mavoungou du Centre de recherche sur les maladies tropicales de Brazzaville.
Dans les couloirs du ministère, on insiste sur l’approche multisectorielle. Les agents formés à la désinfection recevront également une initiation au tri sélectif, minimale mais nécessaire pour éviter l’incinération sauvage des plastiques chlorés, source de dioxines nocives à longue distance.
Le coordonnateur résident du système onusien, Abdourahamane Diallo, affirme vouloir « continuer à mobiliser bilatéraux et multilatéraux ». Derrière la formule diplomatique, se profile la question cruciale du financement pérenne : le Congo consacre déjà près de 12 % de son budget à la santé publique.
Convergence santé-environnement
La dimension environnementale du don n’est pas secondaire. Les pulvérisateurs manuels permettront, outre la désinfection, de cartographier l’usage de l’eau de Javel dans les zones humides classées RAMSAR. L’objectif est de limiter l’impact toxique sur les alevins et microinvertébrés qui soutiennent la pêche artisanale.
Selon une étude de l’Université Marien-Ngouabi, un millilitre de chlore actif par litre d’eau suffit à neutraliser Vibrio cholerae. Au-delà, le résidu libre altère la flore aquatique. Le matériel offert inclut donc des tests colorimétriques pour rationaliser la concentration et former les agents de terrain.
L’initiative s’insère aussi dans la stratégie nationale de lutte contre la pollution plastique, adoptée en 2022. Les nouvelles poubelles à pédale, fabriquées localement en polypropylène recyclé, seront récupérées par les coopératives d’insertion qui expérimentent déjà le compostage des déchets organiques de marchés ruraux.
« Nous voulons que chaque poste de santé devienne un micro-laboratoire de bonnes pratiques environnementales », explique le sociologue Hubert Ngatsé, consultant auprès du gouvernement. D’après lui, l’éducation à l’hygiène crée un capital social mobilisable dans d’autres fronts écologiques, comme la défense des mangroves ou la surveillance des brûlis.
Perspectives pour la souveraineté sanitaire
La question de la souveraineté sanitaire revient toutefois au premier plan. Comme beaucoup de pays africains, le Congo importe encore la quasi-totalité de ses gants et surblouses. Le ministère étudie, avec l’appui d’UNIDO, la relance d’ateliers de confection à Oyo et Pointe-Noire pour réduire cette dépendance.
Des discussions sont également avancées avec la société d’économie mixte Éco-Chlor pour localiser la production de solutions désinfectantes utilisant le sel gemme de Makola, ressource intérieure abondante. L’enjeu est économique, mais aussi climatique : produire localement réduirait l’empreinte carbone liée au transport maritime.
Sur le terrain diplomatique, le geste du Fonds mondial conforte la position du Congo comme partenaire fiable dans l’Agenda 2030. « Nos indicateurs d’hygiène et de sécurité sanitaire s’améliorent progressivement », souligne un conseiller du Palais. Cette crédibilité facilite l’accès à de nouveaux financements verts.
À court terme, l’enjeu reste la diffusion du matériel avant la prochaine saison des pluies. Sur les quais, les conteneurs partent déjà vers Owando par barges fluviales. Un condensé d’outils simples pourra, s’il est utilisé correctement, freiner l’épidémie et renforcer la conscience écologique des communautés.
Vers une approche One Health
Le ministère de l’Environnement prévoit d’intégrer les données de surveillance épidémiologique aux cartes de biodiversité. L’objectif est d’anticiper les zoonoses, dont la fréquence augmente à mesure que les forêts galeries se rétractent.
Ce partage d’informations, soutenu par l’OMS et la FAO, pourrait positionner Brazzaville comme nœud régional de l’approche One Health. Au-delà de l’équipement, la connaissance circulante devient l’outil majeur pour protéger populations, bétail et écosystèmes face aux chocs climatiques.