Un rendez-vous majeur pour la filière bois congolaise
Du 11 au 25 août 2025, Brazzaville se muera en capitale régionale du bois avec la quatrième édition du Salon des métiers du bois. Installé sur un espace de 5 600 m² baptisé « Village artisanal », entre le stade Président Alphonse-Massamba-Débat et l’avenue des 1ᵉʳ Jeux africains, le rendez-vous réunira industriels, artisans, designers et acheteurs venus de tout le continent. Selon la ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, Mme Jacqueline Lydia Mikolo, l’ambition est claire : « Faire découvrir la valeur ajoutée que les Congolais savent conférer à leur bois, du tronc à la pièce de mobilier la plus aboutie ».
Le thème retenu, « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », traduit la volonté des autorités d’ancrer la consommation locale dans les habitudes quotidiennes. La tenue conjointe d’une exposition-vente, d’ateliers techniques et de rencontres B2B témoigne d’un changement d’échelle : le secteur entend désormais dépasser le cadre strict de l’artisanat pour s’inscrire dans une stratégie d’industrialisation douce, compatible avec la préservation des écosystèmes.
Une vitrine de la transformation locale
En exposant meubles contemporains, parquets, objets d’art et accessoires décoratifs fabriqués dans les ateliers de Makoua, d’Owando, ou des faubourgs brazzavillois, le salon ambitionne de renverser le tropisme des produits importés. Chaque année, le marché congolais dépense plusieurs milliards de francs CFA pour des meubles venus d’Asie ou d’Europe, alors même que le pays dispose d’une des couvertures forestières les plus denses du Bassin du Congo. La rencontre d’août 2025 promeut donc une substitution raisonnée des importations, gage de création d’emplois et de maintien de la valeur ajoutée sur le territoire national.
Mme Rosalie Matondo, ministre de l’Économie forestière, souligne que « la transformation sur place augmente le revenu des communautés et limite les exportations de grumes, peu créatrices d’emplois ». Le dispositif d’accompagnement gouvernemental inclut la facilitation de l’accès au crédit, la formation aux normes internationales et la mise en réseau avec les designers étrangers afin d’insérer la production congolaise dans les circuits haut de gamme.
Enjeux économiques et environnementaux conjoints
La diversification économique évoquée par les autorités s’appuie sur une approche écosystémique : il ne s’agit pas seulement de scier plus de bois, mais de mieux valoriser chaque mètre cube prélevé. La stratégie nationale d’industrialisation du bois s’articule avec les engagements climatiques du Congo dans le cadre de l’Accord de Paris. La transformation locale réduit l’empreinte carbone liée aux transports intercontinentaux et renforce la traçabilité, condition sine qua non du label légal-durable recherché par les marchés européens et nord-américains.
De surcroît, l’intégration d’unités de séchage solaire et le recours croissant à la biomasse-énergie issue des déchets de scierie participent à l’atténuation des émissions. L’Agence congolaise pour la transition écologique estime qu’une substitution de 20 % des importations de meubles par la production nationale permettrait d’éviter, chaque année, près de 15 000 tonnes équivalent CO₂. Le Salon offre ainsi une plateforme pour vulgariser ces données et encourager les acteurs financiers à soutenir une filière porteuse d’externalités positives.
Coopération sous-régionale et diplomatie verte
La confirmation de la participation du Gabon, de la République démocratique du Congo, de l’Angola, de la Namibie et du Kenya traduit l’émergence d’une diplomatie verte centrée sur le bois. Au-delà de la dimension commerciale, ces pays envisagent de partager des protocoles communs de gestion forestière et de certification. Le pavillon sous-régional du salon abritera des tables rondes dédiées à la lutte contre le commerce illégal de grumes et à l’harmonisation des tarifs douaniers sur les produits transformés.
Ce dialogue Sud-Sud s’inscrit dans la logique du Pacte pour la forêt du Bassin du Congo adopté à Brazzaville en 2023. Les initiatives conjointes devraient favoriser l’échange de technologies, notamment sur les traitements écologiques des essences locales et sur la numérisation des chaînes de traçabilité. Les décideurs voient dans cette coopération un moyen d’augmenter la résilience économique tout en consolidant la position de la sous-région comme « puits de carbone » mondialement reconnu.
Perspectives pour une économie circulaire du bois
Au-delà du salon, les observateurs attendent la mise en place d’un cadre incitatif pour l’écoconception, le recyclage des copeaux et la valorisation énergétique des résidus. Des incubateurs spécialisés commencent à accompagner les jeunes entrepreneurs vers les métiers du design bioclimatique, tandis que les universités congolaises renforcent leurs filières d’ingénierie du bois.
Les signaux envoyés par le SAMEB 2025 laissent entrevoir un repositionnement stratégique de la filière, dans lequel l’État agit comme catalyseur, le secteur privé comme force motrice et les communautés forestières comme bénéficiaires directes. Le succès de cette édition pourrait constituer un jalon supplémentaire dans la construction d’une souveraineté artisanale et industrielle respectueuse des équilibres écologiques, à la hauteur des ambitions climatiques du Congo.