Contextes géographiques et hydrographiques
S’étendant sur plus de quatre millions de kilomètres carrés, le Bassin du Congo constitue le deuxième massif forestier tropical de la planète après l’Amazonie. La République du Congo et la République démocratique du Congo, auxquelles se joignent le Cameroun, la Centrafrique, le Gabon et la Guinée équatoriale, partagent cet espace d’une densité hydrographique exceptionnelle. Le fleuve Congo, long de 4 700 kilomètres, en est l’épine dorsale ; ses méandres sinueux franchissent l’Équateur à deux reprises avant de rejoindre l’Atlantique dans l’estuaire de Banana, conférant au territoire congolais un débouché maritime stratégique de quarante kilomètres.
Autour de ce corridor liquide se déploient une plaine centrale ondulée culminant à 520 mètres d’altitude moyenne, des plateaux méridionaux qui s’élèvent progressivement vers le Katanga et des lignes de crêtes orientales marquées par les chaînes du Ruwenzori et du Virunga. Ces reliefs, ponctués de lacs de rift tels qu’Albert, Kivu ou Tanganyika, façonnent des couloirs biologiques où cohabitent gorilles de montagne, okapis et milliers d’espèces végétales endémiques, formant un capital naturel que les géographes qualifient de « banque de gènes » pour l’humanité.
Dynamique climatique du Bassin
La zone s’inscrit principalement dans le domaine équatorial humide ; l’axe intertropical de convergence, oscillant de part et d’autre de l’Équateur, dicte une pluviométrie annuelle pouvant excéder 2 000 mm. Cette abondance hydrique maintient une canopée dense dont le rôle de puits de carbone est aujourd’hui documenté par le Centre de recherche forestière internationale, qui chiffre à plus de 30 milliards de tonnes le CO₂ capté par ces forêts.
À mesure que l’on s’éloigne du cœur équatorial, un gradient saisonnier apparaît : au nord et au sud, la saison sèche peut atteindre sept mois, modulant les pratiques agro-pastorales. Sur le littoral atlantique, l’influence du courant froid de Benguela induit un climat légèrement plus aride, tandis que les hautes terres orientales jouissent d’une fraîcheur montagnarde. Cette diversité thermique et hygrométrique confère au Bassin du Congo un rôle de régulateur climatique régional, amortissant les vagues de chaleur sahéliennes et alimentant les circulations atmosphériques du golfe de Guinée.
Potentiel hydroélectrique et ressources minières
Le Congo méridional recèle un potentiel hydroélectrique parmi les plus importants du continent. Les rapides d’Inga en RD Congo, mais aussi les chutes de la Loufoulakari et de Sounda sur le territoire de la République du Congo, représentent un gisement énergétique estimé à plus de 100 gigawatts. Les autorités congolaises envisagent des partenariats public-privé pour valoriser ces sites, dans le sillage de l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables soutenue par l’Union africaine.
Parallèlement, le sous-sol regorge de cobalt, cuivre ou coltan, indispensables à la transition numérique mondiale. L’enjeu consiste à extraire ces minerais en limitant l’empreinte écologique ; la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique souligne que la certification des chaînes de valeur et l’usage de technologies sobres en eau peuvent réduire de 40 % les émissions liées à l’exploitation minière.
Défis environnementaux et résilience communautaire
La pression exercée par l’agro-industrie, l’orpaillage artisanal et la conversion des terres inquiète les ONG locales. Les statistiques du Fonds mondial pour la nature évoquent une déforestation annuelle avoisinant 500 000 hectares dans l’ensemble du Bassin. Pourtant, des signaux encourageants émergent ; à Pokola, la société forestière CIB-OLAM a obtenu la première certification FSC d’Afrique centrale en collaboration avec les communautés Baka, établissant des quotas de coupe et des corridors fauniques.
Sur le plan social, les groupes autochtones recourent à des savoirs ancestraux pour régénérer les sols grâce à la jachère améliorée et à l’agro-foresterie. « Nos cultures se mesurent en saisons et non en années budgétaires », rappelle la cheffe traditionnelle Antoinette Ngomo, insistant sur la nécessité d’intégrer la temporalité coutumière aux politiques climatiques nationales.
Coopération régionale et perspectives
Créée en 2016 à l’initiative du président Denis Sassou Nguesso, la Commission climat du Bassin du Congo sert de cadre diplomatique aux stratégies d’atténuation et d’adaptation. Lors du Sommet des trois bassins organisé à Brazzaville en octobre 2023, les États riverains se sont engagés à mobiliser 6 milliards de dollars pour promouvoir la recherche scientifique, moderniser les stations météorologiques et développer le marché des crédits carbone en lien avec l’Accord de Paris.
Les experts considèrent que la réussite de cette feuille de route dépendra de la convergence entre financements internationaux et mécanismes régionaux de gouvernance. Déjà, la Banque de développement des États d’Afrique centrale appuie un programme pilote de restauration de 40 000 hectares de mangroves sur la côte congolaise, démontrant que les solutions fondées sur la nature peuvent concilier résilience climatique, création d’emplois verts et souveraineté énergétique.