Un cap climatique aligné sur l’Accord de Paris
Depuis la publication de sa Contribution déterminée au niveau national révisée en 2021, la République du Congo s’est engagée à réduire de 35 % ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030, en prenant pour année de référence 2000. Lors du Sommet sur l’action climatique de Glasgow, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que « la crédibilité de nos engagements tient à la préservation des écosystèmes dont nous sommes dépositaires ». Cette approche s’inscrit dans la continuité des orientations du Plan national de développement 2022-2026, qui fait du capital naturel un pilier stratégique au même titre que l’industrialisation ou la transformation numérique.
La Cuvette Centrale, réservoir mondial de carbone
Au nord-est du pays, les tourbières de la Cuvette Centrale, partagées avec la République démocratique du Congo, couvrent plus de 14 millions d’hectares. Les travaux conjoints du Center for International Forestry Research et de l’Université de Leeds estiment que ces sols gorgés d’eau emmagasinent quelque 30 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de trois années d’émissions mondiales (CIFOR, 2017). Consciente de cet atout, Brazzaville a instauré un moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions industrielles dans la zone, le temps de cartographier précisément les tourbières et d’élaborer un régime de protection adapté. Le ministère de l’Économie forestière planche actuellement sur une stratégie de mise en réserve intégrale de 40 % de ces terres humides, doublée d’un dispositif de suivi satellitaire développé avec l’Agence spatiale européenne.
Mécanismes de financement carbone et diversification économique
La valorisation financière de ces puits de carbone constitue un levier majeur pour soutenir la transition économique du Congo. Après l’enregistrement de son premier programme REDD+ en 2019, le pays a perçu une avance de 41 millions de dollars du Fonds carbone de la Banque mondiale, destinée à appuyer des projets agroforestiers dans la Sangha et la Likouala. Parallèlement, Brazzaville s’est rapprochée de l’African Carbon Markets Initiative, lancée à Charm el-Cheikh en 2022, afin de structurer une offre de crédits haute intégrité émanant des tourbières. Le gouvernement voit dans ces flux financiers une opportunité de financer la diversification de l’économie au-delà des hydrocarbures, notamment par le développement de chaînes de valeur bois-énergie durable, d’écotourisme scientifique et de biotechnologies issues des plantes médicinales endémiques.
Diplomatie verte et coopération sous-régionale
La position centrale de Brazzaville dans le Bassin du Congo confère au pays un rôle pivot pour la gouvernance climatique africaine. Depuis 2015, la République du Congo copréside avec le Maroc le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, mécanisme innovant destiné à financer des infrastructures sobres en carbone le long du fleuve. En février 2023, la capitale congolaise a accueilli la première réunion ministérielle consacrée à l’Alliance des Forêts Tropicales, qualifiée par plusieurs observateurs d’« OPEP des forêts ». Cette diplomatie verte vise à peser davantage dans les négociations internationales, en alignant les positions des pays forestiers sur la tarification du carbone et la lutte contre la déforestation importée.
Gouvernance environnementale et enjeux communautaires
La révision du Code forestier en juillet 2020 a introduit le principe du consentement libre, préalable et éclairé des populations riveraines avant toute opération économique en zone forestière. Cette avancée juridique permet de sécuriser les droits d’usage coutumiers, tout en favorisant la création de concessions communautaires dont les revenus sont partagés selon un barème national. Plusieurs associations de femmes, réunies au sein du Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts, expérimentent ainsi la culture du riz flottant dans les cuvettes saisonnièrement inondées, réduisant la pression sur la faune sauvage et améliorant la sécurité alimentaire locale.
Perspectives : conjuguer croissance et résilience
La trajectoire bas-carbone congolaise repose enfin sur la diversification de son bouquet énergétique. Le pays bénéficie déjà d’un taux d’électrification renouvelable supérieur à 70 %, grâce aux barrages d’Imboulou et de Liouesso. Des micro-centrales solaires sont en cours d’installation dans quinze localités isolées de la Cuvette-Ouest, avec le soutien de la Banque africaine de développement. À moyen terme, l’objectif gouvernemental est de verdir les zones industrielles de Pointe-Noire et d’Oyo via l’hydroélectricité excédentaire et la valorisation du gaz associé, réduisant ainsi le torchage. En s’appuyant sur ses tourbières comme « obligation verte naturelle », le Congo-Brazzaville entend démontrer que protection des écosystèmes, développement industriel et stabilité régionale peuvent se renforcer mutuellement, à condition d’une gouvernance inclusive et rigoureuse.