Un patrimoine forestier d’envergure mondiale
La République du Congo abrite la deuxième étendue de forêt tropicale humide de la planète. Ce continuum végétal, au cœur du Bassin du Congo, séquestre près de trente-deux gigatonnes de carbone, procurant un service écosystémique d’ampleur planétaire (Centre de recherche forestière internationale, 2022). Des marécages du Kouilou aux forêts denses de la Cuvette, la diversité des formations végétales explique une richesse biologique exceptionnelle incarnée par le gorille de plaine de l’Ouest, l’éléphant de forêt ou encore plus de six cents espèces d’oiseaux. Au-delà de la dimension naturaliste, ces massifs régulent le cycle hydrologique régional et tempèrent les flux de chaleur continentale.
En adhérant à l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale et à l’Accord de Paris, Brazzaville réaffirme son rôle de « poumon » climatique mondial. Les inventaires forestiers conduits avec des partenaires européens font état d’un couvert arboré encore relativement stable, bien que la progression des fronts agricoles et certaines concessions forestières accentuent la pression. Les autorités plaident désormais pour une rémunération internationale du service rendu, via des mécanismes de crédits carbone fondés sur des protocoles de vérification rigoureux.
La gouvernance environnementale sous l’angle diplomatique
Le dispositif institutionnel congolais a connu une consolidation notable depuis la création, en 2017, du ministère coordonnateur du Développement durable. Ce dernier supervise la Stratégie nationale sur le changement climatique qui articule adaptation des territoires côtiers, gestion durable des tourbières et promotion d’énergies propres. Le cadre législatif, enrichi par la loi de 2019 sur la faune sauvage, introduit des sanctions aggravées contre le braconnage et renforce la compétence des parquets spécialisés, illustrant un alignement sur les standards internationaux (Convention CITES, 2020).
Sur la scène régionale, Brazzaville joue un rôle de médiateur, notamment au sein de la Commission climat du Bassin du Congo. L’organisation de la Pré-COP de 2021, largement saluée par les partenaires multilatéraux, a démontré la capacité du pays à générer un consensus entre États riverains sur la tarification du carbone et la lutte contre la déforestation. « Une stabilisation de la couverture forestière congolaise profite à toute l’Afrique centrale », rappelait à cette occasion la commissaire de l’Union africaine chargée de l’économie rurale.
Potentiel économique et mutation énergétique
Si l’or noir reste un pilier de l’économie, représentant près de la moitié des recettes d’exportation, les décideurs congolais s’accordent désormais sur la nécessité d’une transition graduelle vers des filières bas carbone. Le plan national d’électrification mise sur une combinaison d’hydroélectricité issue des cascades du fleuve Congo et de production solaire décentralisée pour desservir les zones rurales. La future centrale de Liouesso, inaugurée en partenariat avec la Banque africaine de développement, devrait éviter l’émission annuelle d’environ quatre-cent mille tonnes de CO2 (Banque africaine de développement, 2023).
Parallèlement, la valorisation économique des services écosystémiques prend forme. Des projets pilotes de paiement pour services environnementaux s’expérimentent dans la Likouala, où les communautés autochtones perçoivent des revenus proportionnels à la préservation des tourbières. Cette approche, soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement, illustre le virage vers une économie durable, conciliant impératifs sociaux et gestion des ressources naturelles.
Défis socio-écologiques et résilience communautaire
Les pressions démographiques exercées autour des pôles urbains de Brazzaville et de Pointe-Noire se traduisent par une expansion agricole de subsistance et un besoin persistant de bois-énergie. Pour contenir ces dynamiques, les pouvoirs publics misent sur l’agroforesterie et la diffusion de foyers améliorés, doublés d’incitations fiscales pour l’import de cuisinières au gaz. Ces initiatives, encore limitées dans leur couverture, devront être amplifiées pour réduire de manière tangible la déforestation diffuse.
Le renforcement des capacités locales demeure une condition sine qua non de la réussite. Les ONG congolaises, telles que Renatura ou l’Observatoire congolais des droits de l’homme, collaborent avec les administrations pour former des éco-gardiens et institutionnaliser la participation communautaire dans la gouvernance des aires protégées. Des radios rurales diffusent en langues vernaculaires des messages sur la gestion durable de la faune, facilitant l’appropriation des normes environnementales par les populations riveraines.
Vers une diplomatie verte régionale
Dans un contexte géopolitique africain où la question climatique devient un déterminant de la coopération, la République du Congo a fait de la forêt un instrument d’influence et de paix. La signature du Partenariat pour la transition énergétique juste avec plusieurs bailleurs bilatéraux ouvre la voie à des financements concessionnels destinés aux infrastructures sobres en carbone. Cette orientation consolide l’image d’un État bâtisseur de solutions, soucieux de conjuguer stabilité intérieure et responsabilité globale.
À l’horizon 2030, le gouvernement projette de réduire de trente-cinq pour cent ses émissions par rapport au scénario tendanciel, tout en rehaussant la part des énergies renouvelables à cinquante pour cent du mix électrique. Ces objectifs, jugés ambitieux mais réalisables par la Banque mondiale, traduisent la volonté de faire du Congo-Brazzaville non seulement un réservoir de biodiversité, mais également un laboratoire de politiques climatiques au service d’un développement harmonieux.