Une stratégie gouvernementale de proximité
La caravane de l’entrepreneuriat, placée sous le signe « Jeunes, osez entreprendre », illustre la volonté du gouvernement de rapprocher les politiques publiques des bénéficiaires réels. Plutôt que de cantonner l’accompagnement entrepreneurial aux seules capitales, la ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, mise sur la mobilité pour toucher les bassins de population hors des grands centres urbains. Cette démarche de terrain se veut à la fois pédagogique et incitative : informer, former et identifier les aspirations locales, le tout dans une dynamique participative qui associe les acteurs publics et privés.
L’objectif affiché est clair : réduire l’asymétrie d’information qui freine la création d’entreprises et ouvrir de nouveaux corridors de croissance. En visitant successivement les départements, l’État s’engage à adapter ses mécanismes de soutien – accès au crédit, simplification administrative, mentorat – à la diversité socioculturelle du pays. Pour de nombreux observateurs, cette stratégie de proximité renforce la légitimité des politiques de diversification économique voulues par Brazzaville, en phase avec le Plan national de développement et les engagements internationaux du Congo en matière d’agenda 2030.
Le choix de Dolisie : terreau d’innovation
Dolisie, troisième agglomération du pays, présente un positionnement géographique singulier : carrefour ferroviaire, proximité du port de Pointe-Noire, lisière forestière et couloir vers les marchés d’Afrique centrale. Son environnement naturel, oscillant entre forêts denses et massifs montagneux, offre un éventail d’activités susceptibles de stimuler une chaîne de valeur intégrée. La ministre n’a pas manqué de qualifier la ville de « laboratoire de développement local », où l’économie verte, l’agro-business ou encore l’écotourisme peuvent coexister et se renforcer mutuellement.
Les autorités locales voient d’un bon œil cette mise en lumière. Le maire Marcel Koussikana rappelle que la municipalité dispose déjà d’espaces dédiés aux incubateurs et aux ateliers d’artisans, tandis que la diaspora locale manifeste un intérêt croissant pour des investissements de retour. La connexion numérique, consolidée ces dernières années, ouvre par ailleurs la voie à des start-up spécialisées dans la logistique ou les services dématérialisés. En pariant sur Dolisie, le gouvernement envoie un signal fort : l’innovation n’est pas l’apanage des métropoles, elle germe aussi dans les territoires longtemps considérés comme périphériques.
Des chiffres qui dessinent une dynamique
En quatre mois, la caravane a enrôlé 8 996 porteurs d’idées, dont 4 527 femmes, selon l’Agence de développement des très petites, petites et moyennes entreprises dirigée par Aimé Blanchard Linvani. Ces données révèlent un équilibre de genre encourageant, reflet d’un entrepreneuriat féminin de plus en plus affirmé. Dans la seule étape de Dolisie, plusieurs centaines de jeunes ont bénéficié d’ateliers de design thinking, de sessions de simulation financière et de rencontres avec des banquiers locaux disposés à tester des solutions micro-crédit.
Au-delà du simple recensement, les organisateurs élaborent des plans d’accompagnement personnalisés : ingénierie d’affaires, certification qualité, ouverture sur les places de marché régionales. Ces dispositifs s’inscrivent dans un continuum incluant l’amorçage, la croissance et l’exportation. Pour les économistes, les indicateurs collectés permettront d’affiner à terme la cartographie des filières porteuses et de calibrer des incitations fiscales ciblées, tout en nourrissant la gouvernance basée sur des preuves prônée par les institutions financières internationales.
Entreprenariat juvénile et cohésion sociale
Avec 60 % de la population âgée de moins de 25 ans, le Congo fait de l’autonomisation de la jeunesse un pilier central du développement inclusif. La caravane répond ainsi à une préoccupation sociologique majeure : transformer le dividende démographique en moteur socio-économique et réduire la vulnérabilité des jeunes face au chômage urbain ou à la précarité rurale. « L’entreprise est une école de citoyenneté », avance un sociologue de l’université Marien-Ngouabi, soulignant la corrélation positive entre insertion professionnelle et stabilité communautaire.
Les autorités insistent sur la dimension de cohésion : encourager l’auto-emploi sert non seulement la croissance, mais aussi le tissu social, en canalisant les aspirations vers la création plutôt que vers l’exode. À Dolisie, les témoignages recueillis exhibent un optimisme raisonné : des étudiantes en agronomie veulent transformer le manioc en farine sans gluten, tandis que d’anciens transporteurs s’orientent vers la maintenance ferroviaire, profitant de la réactivation de la ligne Congo-Océan. Dans tous les cas, la caravane agit comme un catalyseur d’émulation collective.
Vers un écosystème durable et inclusif
Pour pérenniser l’élan, le ministère envisage de déployer des hubs régionaux connectés et un observatoire national de l’entrepreneuriat afin de mesurer l’impact réel des politiques d’appui. Dans cette perspective, la coordination avec les bailleurs multilatéraux, les banques commerciales et la société civile apparaît déterminante. La Banque africaine de développement, déjà impliquée dans des programmes de résilience agricole, pourrait abonder des lignes de crédit vertes pour financer les projets à forte composante environnementale.
À terme, les décideurs congolais ambitionnent de faire de la caravane un dispositif permanent d’ingénierie territoriale, articulé à la décentralisation effective. En installant l’esprit d’entreprise au cœur des communautés, le Congo mise sur une croissance plus résiliente vis-à-vis des fluctuations des cours pétroliers. Les premiers signaux observés à Dolisie laissent entrevoir qu’une génération d’entrepreneurs engagés est prête à traduire en valeur ajoutée locale les potentialités naturelles du pays, forgeant ainsi les prémices d’une prospérité partagée.