Le retour stratégique d’un organe attendu
Lorsqu’en juillet 2025 les experts congolais se sont retrouvés dans la salle des conférences du ministère de la Santé, certains avaient à l’esprit la date de 1984, dernier souvenir d’un Conseil national de la santé désormais légendaire. Quarante-et-un ans plus tard, l’institution sort de sa léthargie sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, soucieux d’arrimer la gouvernance sanitaire aux exigences de l’Objectif de développement durable 3. La démarche est moins symbolique qu’il n’y paraît : en réactivant un cadre de concertation qui rassemble administration, praticiens, universitaires et partenaires techniques, l’exécutif entend consacrer la santé comme pierre angulaire de la cohésion nationale.
Une gouvernance sanitaire en quête de cohérence
Au cœur des délibérations, la consolidation de l’architecture juridique occupe une place cardinale. Les participants ont proposé la révision des textes réglementaires régissant le Conseil national afin de garantir la périodicité des sessions, la représentativité des territoires et la circulation ascendante des données. Le ministre Jean-Rosaire Ibara l’a martelé : « L’équité en santé n’est pas une option, c’est une exigence morale ». La centralisation stratégique restera donc accompagnée d’un contrôle décentralisé, gage d’adaptabilité face à l’apparition de pathogènes émergents ou d’événements climatiques extrêmes qui redessinent la carte des vulnérabilités (OMS, 2023).
Financement, ressources humaines : le nerf et le souffle
Pour que la vision prenne corps, il fallait lever l’équation budgétaire. Les débats ont mis en avant une diversification des sources : accroissement de la part du budget national, mobilisation de la diaspora médicale, et attractivité des financements internationaux orientés vers le climat et la santé. Dans le même mouvement, la stratégie RH privilégie la formation continue, l’incitation au retour des spécialistes expatriés et la répartition équilibrée des personnels entre zones urbaines et rurales. Plusieurs intervenants ont rappelé que le ratio médecins-habitants — actuellement d’environ 1 pour 10 000 — doit être porté au double à l’horizon 2030, faute de quoi la promesse d’un accès universel demeurerait chimérique.
Infrastructures et environnement : la résilience en ligne de mire
Édifier de nouveaux hôpitaux ne suffit plus ; il faut des établissements capables de résister aux inondations récurrentes et d’intégrer des solutions énergétiques sobres. Les recommandations appellent ainsi à la rénovation des hôpitaux de référence de Brazzaville et Pointe-Noire, mais également à la revitalisation des districts sanitaires, considérés comme interfaces cruciales entre prévention et soins primaires. En parallèle, l’intégration de l’approche « Une seule santé » invite à traiter simultanément les enjeux de biodiversité, de sécurité alimentaire et de maladies zoonotiques, articulant les politiques de santé aux stratégies nationales d’adaptation climatique.
Partenariat public-privé : catalyseur ou garde-fou ?
L’ouverture encadrée au secteur privé a suscité un consensus nuancé. Les acteurs ont reconnu que l’investissement privé peut combler certaines lacunes technologiques — radiologie de pointe, télémédecine, logistique pharmaceutique — à condition d’être régulé pour éviter une commercialisation excessive du soin. Le ministère annonce, à cet effet, la création d’un guichet unique facilitant la contractualisation tout en imposant des clauses sociales, notamment des tarifs plafonnés pour les pathologies à fort impact communautaire telles que le paludisme ou la tuberculose. Cette dialectique entre rentabilité et solidarité reflète une volonté de moderniser sans renoncer aux fondements du service public.
Participation citoyenne et promotion sanitaire
La session a réhabilité la voix des communautés. Les participants ont souligné que l’adhésion populaire conditionne le succès des programmes de vaccination, de santé maternelle et de dépistage précoce des cancers. Un accent particulier est mis sur la communication sociale de proximité : leaders religieux, associations de femmes et réseaux d’influence numérique seront mobilisés pour relayer des messages scientifiquement validés, dans les langues véhiculaires locales. En dotant les cellules villageoises d’outils d’alerte épidémiologique, les autorités espèrent raccourcir le délai entre détection et riposte, améliorant ainsi la capacité d’anticipation du pays.
Cap sur 2030 : des engagements à l’épreuve du terrain
Au terme de trois jours de travaux, un mot d’ordre émerge : l’audace. Le ministre Ibara a exhorté les parties prenantes à « transformer nos ambitions en actions concrètes ». Les défis restent nombreux : optimisation de la dépense publique, alignement des donateurs, appropriation locale des innovations. Toutefois, le retour d’un Conseil national désormais pérennisé, l’alignement affiché sur les standards internationaux et la mobilisation des compétences nationales constituent un faisceau d’indicateurs favorables. Dans un environnement géopolitique où les vulnérabilités sanitaires s’exportent à la vitesse des flux transfrontaliers, le Congo choisit de consolider son système avant la prochaine crise plutôt que de panser les plaies après coup.