Un héritage de solidarité panafricaine
Depuis les premières heures des indépendances africaines, Brazzaville et Le Caire cultivent une entente qui dépasse le simple échange de protocoles. Aux lendemains de 1960, la capitale congolaise se souvient du soutien que Gamal Abdel Nasser accorda aux jeunes États aspirant à s’affranchir des tutelles coloniales. L’anniversaire de la Révolution du 23 juillet 1952, célébré par l’ambassadrice Imane Yakout, fournit l’occasion de ranimer cette mémoire partagée. « Notre révolution portait la souveraineté, la justice sociale et le développement », rappelait-elle devant le ministre Jean-Claude Gakosso, soulignant la continuité d’une fraternité politique où le Congo-Brazzaville, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, reste un interlocuteur de choix sur les dossiers continentaux.
Les dynamiques économiques en recomposition
Longtemps cantonnée aux secteurs traditionnels, la coopération économique s’empare désormais des grands chantiers structurants. Les autorités égyptiennes mettent en avant la centrale nucléaire d’El-Dabaa, symbole d’une diversification énergétique susceptible d’inspirer Brazzaville dans sa propre stratégie de mix énergétique. De son côté, le Congo, fort de l’entrée prochaine en production du barrage de Liouesso et de sa politique de zones économiques spéciales, apparaît comme un partenaire attractif pour les entreprises de BTP et d’ingénierie du Nil. Les échanges commerciaux demeurent encore modestes, mais la Banque africaine d’import-export signale une hausse annuelle supérieure à 15 % depuis 2020, indicateur d’un rapprochement que les deux capitales ambitionnent de densifier.
Formation et transfert de compétences, socle discret
Moins visibles que les contrats pétroliers, les programmes de l’Agence égyptienne de partenariat pour le développement irriguent pourtant les ministères congolais. Chaque année, des dizaines de fonctionnaires, médecins et officiers suivent des stages au Caire ou à Alexandrie, avant de rejoindre les administrations de Brazzaville. « La formation reste notre pilier cardinal », insistait l’ambassadrice Yakout, évoquant des modules sur la cybersécurité ou la médecine militaire. Ces échanges constituent un capital humain précieux pour le Congo-Brazzaville, en quête d’expertise afin de concrétiser son Plan national de développement 2022-2026. Ils confirment également la volonté égyptienne de projeter un soft power fondé sur la connaissance plutôt que sur la seule puissance financière.
Défis sécuritaires partagés et coopération assumée
Face aux menaces asymétriques qui traversent le Sahel et la sous-région d’Afrique centrale, Le Caire et Brazzaville privilégient une approche concertée. La participation récurrente des forces congolaises aux exercices conjoints organisés par l’Académie militaire d’Héliopolis témoigne d’une convergence doctrinale en matière de lutte antiterroriste et de sécurisation des frontières fluviales. Les responsables congolais saluent la neutralité bienveillante de l’Égypte dans les médiations régionales, qu’il s’agisse de la crise libyenne ou du contentieux soudanais. Une source diplomatique congolaise estime que « la discrétion égyptienne sur nos dossiers internes contraste avec une disponibilité technique appréciée », équilibre qui renforce la confiance mutuelle sans remise en cause de la souveraineté nationale.
Perspectives stratégiques à l’horizon 2030
Alors que l’Égypte déroule sa Vision 2030, axée sur l’économie verte et la résilience climatique, Brazzaville voit dans cette feuille de route un terrain d’alliances nouvelles. Le Congo entend profiter des expertises égyptiennes en matière de dessalement, de mobilité électrique et de gestion intégrée des ressources en eau, autant de domaines jugés cruciaux pour l’adaptation aux changements climatiques sur le bassin du Congo. En marge des rencontres diplomatiques, plusieurs mémorandums d’entente sur la gestion des mangroves et la valorisation du bois éthique seraient en cours de finalisation. L’alignement de la diplomatie congolaise sur les priorités de la COP 28, où l’Égypte avait défendu la création d’un Fonds pertes et dommages, dessine une coalition d’intérêts climatiques qui prolonge la fraternité historique entre les deux capitales. De l’indépendance politique à la transition écologique, l’axe Caire-Brazzaville illustre ainsi la mue d’une relation bilatérale appelée à conjuguer mémoire et innovation.