Un incubateur qui consolide l’écosystème local
C’est désormais un rendez-vous attendu du microcosme entrepreneurial de Brazzaville : le lancement, le 18 juillet, de la quatrième cohorte de la Fondation Telema confirme la montée en puissance d’un dispositif pensé pour doter la jeunesse congolaise d’outils concrets de création de valeur. Vingt-six porteurs de projets, retenus sur plus d’un millier de candidatures, rejoignent une communauté qui a déjà permis l’émergence de quatre-vingt-cinq lauréats et la mobilisation de plus de cent millions de francs CFA. Dans un environnement continental où les incubateurs se multiplient, la singularité de Telema réside dans un ancrage national assumé et un dialogue permanent avec les acteurs publics chargés de l’emploi.
Jesse Franck Goma, secrétaire général de la Fondation, n’a pas dissimulé son ambition : « Chaque projet incubé doit devenir une PME créatrice d’emplois, fût-ce pour deux ou trois salariés, car c’est ainsi que se consolide le tissu économique. » Une déclaration qui trouve écho dans les orientations gouvernementales visant la diversification post-pétrole et la montée en gamme des services à forte intensité de savoir.
Un curriculum au service de la performance
S’étendant jusqu’au 8 août, le programme articule gestion de projet, gouvernance d’entreprise, management des ressources humaines et développement personnel. Les formateurs, issus pour partie du secteur privé et pour partie de l’université Marien Ngouabi, privilégient l’apprentissage expérientiel : jeux de rôles, études de cas tirées de success-stories régionales, simulation de pitch face à des investisseurs. Cette approche active tranche avec les formats magistraux longtemps dominants et répond à l’appétence des jeunes pour des méthodes interactives.
La charte de l’incubé, document contractuel remis à chaque lauréat, insiste sur la transparence financière, la rédaction régulière de rapports d’avancement et l’ouverture au mentorat. Selon Mireille Ndinga, consultante en management, « cette rigueur procédurale crée un capital confiance indispensable pour attirer, à terme, le capital-risque international vers Brazzaville ».
Entreprendre dans un vrai laboratoire social
Au-delà des modules techniques, Telema se positionne comme un espace de test grandeur nature des innovations d’impact. Les porteurs de projets proviennent de secteurs variés : agro-transformation, énergies renouvelables, services numériques inclusifs, artisanat de grande qualité. Les incubés disposent d’un atelier partagé et d’un accès prioritaire aux plateformes numériques de l’administration, facilitant l’obtention du Registre de commerce et la déclaration sociale des premiers employés. Cette coordination verticale participe à réduire le coût d’entrée sur le marché, facteur souvent dissuasif pour les néo-entrepreneurs africains.
Fadel Mabiala, lauréat de la première promotion et aujourd’hui à la tête d’une start-up de valorisation des déchets plastiques, témoigne : « Nous avons bénéficié d’un accompagnement qui va bien au-delà du coaching ; Telema offre un environnement où l’on peut échouer, apprendre et réessayer sans stigmatisation. » Le capital psychologique ainsi bâti se révèle décisif pour la résilience des jeunes entreprises.
Un dispositif aligné sur les priorités nationales
L’incubation Telema s’inscrit dans la droite ligne du Plan national de développement 2022-2026, qui met l’accent sur la captation du dividende démographique et la promotion de chaînes de valeur locales. En apportant une réponse pragmatique au défi du chômage des jeunes, le programme consolide les efforts du gouvernement pour dépasser la traditionnelle dépendance aux matières premières. Plusieurs administrations sectorielles, dont celles en charge de la PME et de la formation professionnelle, collaborent étroitement avec la Fondation pour la certification des compétences acquises et la facilitation de l’accès aux marchés publics.
L’Agence de promotion des investissements, par la voix de son directeur adjoint, rappelle que « le partenariat public-privé, à l’œuvre dans l’incubateur, illustre le volontarisme de l’État à créer un cadre propice au risque entrepreneurial ». Pareille synergie conforte l’attractivité du Congo-Brazzaville, dont les indicateurs Doing Business progressent lentement mais sûrement.
Cap sur la pérennité des jeunes pousses
À l’heure où s’ouvrent les sessions de mentorat, l’enjeu majeur demeure la durabilité économique des start-up incubées. Un fonds de suivi post-incubation, alimenté par des partenaires bancaires locaux et des mécènes de la diaspora, sera opérationnel avant la fin de l’année afin de financer les premières commandes et d’amortir le risque lié à la trésorerie initiale. Parallèlement, un comité d’experts étudie la création d’une plateforme numérique de veille réglementaire, indispensable pour accompagner la croissance rapide des jeunes sociétés.
Fort d’un capital d’expériences cumulées et d’un réseau grandissant, la Fondation Telema s’impose comme l’un des bras armés de la stratégie congolaise de croissance inclusive. Si chaque promotion ajoute sa pierre à l’édifice, la multiplication des success-stories viendra, à terme, renforcer le récit d’un Congo capable de conjuguer ambition macroéconomique et empowerment citoyen. Les vingt-six entrepreneurs de la quatrième cohorte portent ainsi, à leur échelle, une part de l’élan national vers une économie plus diversifiée, plus résiliente et plus solidaire.