Un diagnostic partagé, une vision convergente
En clôturant la deuxième session du Conseil national de la santé le 18 juillet à Brazzaville, les experts congolais ont livré un constat sans ambages : si des progrès notables ont été enregistrés depuis l’adoption de la Stratégie nationale de développement 2022-2026, les indicateurs relatifs à l’objectif de développement durable 3 demeurent perfectibles. Selon les données compilées par la Direction générale des études et de la planification, la mortalité maternelle a baissé de 12 % en cinq ans, mais la couverture vaccinale stagne à 70 % (OMS, 2023). Cette photographie chiffrée a servi de toile de fond à des débats marqués par un pluralisme remarquable, réunissant médecins, économistes de la santé, acteurs de la société civile et représentants du secteur privé.
Financer la santé : du paradigme budgétaire à l’investissement social
Premier axe des recommandations, la question du financement a suscité un consensus rare. Le ratio dépenses publiques de santé/PIB, actuellement de 3,7 %, devrait converger vers la cible de 5 % fixée par l’Union africaine. Les participants préconisent la mise en place d’un panier de ressources diversifiées, associant fiscalité santé, redevances sur les industries extractives et mécanismes innovants tels que les obligations à impact social. « Chaque franc investi dans la prévention en économise quatre en curatif », a rappelé la professeure Charlotte Goma, économiste de la santé, soutenant un glissement progressif vers une logique d’investissement social plutôt que de dépense publique classique.
Infrastructures et équipements : la territorialisation comme fil conducteur
La revitalisation des districts sanitaires constitue le second pilier du plan d’action. Bien que 85 % de la population réside désormais à moins de 5 km d’un poste de santé, les écarts qualitatifs persistent entre zones urbaines et rurales. Les experts recommandent un schéma directeur d’infrastructures fondé sur la territorialisation des ressources humaines et matérielles, doublé d’un audit technico-financier annuel. L’introduction d’un référentiel national de maintenance biomédicale vise à réduire le taux de panne des équipements, estimé à 28 % dans certaines formations périphériques.
Partenariat public-privé : catalyseur d’efficacité
Le secteur privé, qui assure déjà 40 % des prestations ambulatoires, est appelé à devenir un partenaire stratégique. Une charte de contractualisation, inspirée des modèles rwandais et marocain, devrait encadrer la co-gestion des plateaux techniques et la mutualisation de la formation continue. Le docteur Victor Tchicaya, président de l’Ordre national des médecins, a salué « une approche gagnant-gagnant où la puissance publique reste garante de l’équité ». Cette ouverture s’accompagne d’un dispositif d’agrément renforcé pour prévenir les pratiques tarifaires abusives et garantir la qualité des soins.
Santé communautaire et climat : l’équation de la résilience
Les débats ont également mis en lumière l’interdépendance croissante entre changements climatiques et santé publique. La récurrence des inondations dans la Cuvette et le Pool, avec son corollaire de maladies hydriques, impose une approche de résilience fondée sur l’alerte précoce et la diplomatie environnementale. Les experts ont plaidé pour l’intégration systématique des comités de village dans la surveillance épidémiologique et pour la création d’un Fonds vert sanitaire. Adossé au mécanisme REDD+, ce fonds soutiendrait la construction de centres de santé écologiques et la diffusion de technologies sobres en carbone, stimulant ainsi une économie locale résiliente.
Cadre juridique renouvelé : un décret pour ancrer la réforme
Point d’orgue de la session, l’adoption d’un projet de décret modifiant le texte fondateur de 1984 dote le Conseil national de la santé d’une légitimité étendue. Le nouveau dispositif précise les modalités de suivi, introduit un droit d’alerte sanitaire et consacre le principe de redevabilité publique. « Nous passons d’un organe consultatif à un véritable bras technique du gouvernement », a résumé le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, avant d’exhorter les parties prenantes à « transformer les ambitions en actions concrètes ».
Vers une diplomatie sanitaire proactive
Au-delà des frontières nationales, ces orientations s’inscrivent dans une stratégie d’influence régionale. Brazzaville, siège de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Afrique, ambitionne de conforter son rôle de laboratoire de bonnes pratiques. La convergence entre planification nationale et agendas multilatéraux, notamment le Pacte de Nairobi sur la couverture santé universelle, renforce la crédibilité de la démarche. Les bailleurs internationaux, à commencer par la Banque mondiale, ont déjà manifesté un intérêt pour cofinancer les projets à fort impact communautaire.
Une mobilisation qui engage la nation
En définitive, la session de juillet se distingue moins par la liste de recommandations que par la dynamique collective qu’elle enclenche. La santé, érigée en bien public supérieur, transcende désormais les silos administratifs pour irriguer les politiques d’éducation, d’environnement et de finances publiques. Conformément à la vision portée par le président Denis Sassou Nguesso en matière de capital humain, le Conseil national de la santé devient un rouage essentiel de la modernisation de l’État. Reste à transformer la lettre du décret en réalités tangibles, tâche à laquelle le gouvernement s’est solennellement engagé.