Contexte géopolitique d’un partenariat structurant
L’annonce officielle du Projet d’amélioration des services d’électricité s’inscrit dans un moment charnière où l’Afrique centrale, confrontée simultanément à une urbanisation rapide et à des défis climatiques aigus, cherche à consolider ses infrastructures énergétiques. En conviant la Banque mondiale à co-piloter ce dispositif doté de cent millions de dollars américains, Brazzaville confirme son choix d’ouvrir davantage son secteur à l’expertise multilatérale tout en gardant la main sur les orientations stratégiques. À cet égard, la présence conjointe du ministre de l’Énergie et de l’hydraulique, Emile Ouosso, et de hauts responsables de l’institution de Bretton Woods illustre une convergence d’intérêts : sécuriser l’approvisionnement national et soutenir la transition vers un développement sobre en carbone.
Accès universel : ambition sociale et impératif économique
Aujourd’hui, moins d’un ménage congolais sur deux est raccordé au réseau, avec de fortes disparités territoriales. Le PASEL cible prioritairement les axes Brazzaville–Pointe-Noire, corridor économique où se concentre plus de 60 % du PIB national. En modernisant la ligne de transport haute tension et en dotant la Société Énergie électrique du Congo (E2C) de transformateurs de nouvelle génération, le projet table sur une réduction des coupures non planifiées et une amélioration sensible de la tension délivrée. Derrière ces choix techniques se lit une logique sociopolitique : consolider la cohésion urbaine en stabilisant l’offre, tout en préparant l’extension future dans les zones périurbaines, cœur des dynamiques démographiques à venir.
Viabilité financière et transparence : le défi des pertes non techniques
Si l’insuffisance de capacités de production occupait jadis le devant de la scène, les bailleurs soulignent désormais la nécessité de juguler les pertes commerciales. Selon une note récente de la Banque mondiale, celles-ci approchent encore 30 % du volume injecté. Le PASEL introduit une réforme graduelle de la facturation qui s’appuie sur la généralisation de compteurs intelligents et la mise en place d’unités mobiles de relève. Dans un entretien accordé à notre rédaction, Olivia Mazaba-Ntondelé, coordinatrice du projet, rappelle que « la soutenabilité du secteur passe par la confiance mutuelle : l’abonné doit avoir la certitude de payer ce qu’il consomme, et l’opérateur, celle de percevoir la juste rémunération de son service ».
Innovation technique et retombées sociétales
Le volet infrastructurel du PASEL ne se résume pas à un simple renforcement de lignes. L’acquisition de six transformateurs haute tension de dernière génération permettra une meilleure résilience face aux pics de demande, tandis que la numérisation de la gestion des flux énergétiques ouvre la voie à des anticipations de charge plus fines. Pour les usagers, les bénéfices escomptés sont multiples : réduction des délestages, baisse des coûts indirects liés à l’autoproduction et développement d’activités créatrices de valeur ajoutée dans les services numériques. L’enseignante-chercheuse en économie énergétique, Pr Nadège Kimbembé, voit dans ce déploiement « un catalyseur potentiel de nouvelles chaînes de valeur locales, depuis la maintenance jusqu’aux applications domotiques ».
Gouvernance sectorielle et projection à long terme
Au-delà de la dimension technique, le PASEL se veut un instrument de gouvernance. L’élaboration simultanée d’une Stratégie d’électrification nationale et d’un Plan de développement à moindre coût introduit une approche fondée sur l’évidence scientifique : cartographie des besoins, scénarios de demande, tableaux de financement. Soutenue par l’initiative M300 du Pacte énergétique national, cette démarche assigne à l’État un rôle d’architecte régulateur, capable de coordonner investisseurs privés et partenaires bilatéraux autour d’objectifs partagés. Dans son allocution, Emile Ouosso a souligné que l’efficacité du schéma dépendra « de la capacité de chaque maillon institutionnel à parler un langage budgétaire commun et à s’astreindre à des évaluations régulières ».
À l’heure où s’esquissent les COP successives, le positionnement du Congo-Brazzaville, porteur de vastes réserves hydroélectriques et engagé dans la préservation de la forêt du Bassin du Congo, pourrait se renforcer grâce à la crédibilité acquise via le PASEL. Des experts y voient l’émergence d’un laboratoire régional conciliant sobriété carbone et développement inclusif. Reste à inscrire cette dynamique dans la durée, condition sine qua non pour que le courant ne se limite pas à une promesse mais irrigue durablement l’ensemble du corps social.