Une dynamique institutionnelle en marche
Dans le salon feutré du ministère de la Coopération internationale à Brazzaville, l’échange récent entre le Dr Vincent Dossou Sodjinou et le ministre Denis Christel Sassou Nguesso a matérialisé un tournant dans la gouvernance sanitaire congolaise. L’Organisation mondiale de la santé, forte de son mandat normatif, y a réaffirmé son intention de catalyser un mouvement déjà amorcé par les autorités nationales pour hisser l’architecture sanitaire au rang de bien public prioritaire. La présence du représentant résident, tout juste accrédité, confère à cette impulsion diplomatique un poids symbolique qui dépasse la simple courtoisie officielle ; elle marque l’inscription des engagements congolais dans le calendrier global de la couverture sanitaire universelle.
La santé primaire, épicentre des ambitions
Au cœur de l’entretien figure la consolidation de l’offre de soins de santé primaires, concept élaboré depuis Alma-Ata mais toujours d’actualité. Le Congo, dont plus de 40 % de la population vit en zones semi-urbaines ou rurales, place désormais le district sanitaire au centre de la délivrance des services essentiels. Les projets de construction d’hôpitaux généraux de référence, récemment inaugurés à Ouesso et Dolisie, témoignent déjà d’un volontarisme étatique. Cependant, comme l’a souligné le Dr Sodjinou, « le véritable pari réside dans la continuité des soins et la capacité des centres périphériques à gérer les pathologies courantes ». L’appui technique de l’OMS se focalisera donc sur la formation du personnel communautaire, le déploiement d’outils de télémédecine adaptés à la morphologie territoriale et la standardisation des protocoles.
Coopération internationale et efficacité opérationnelle
Le document stratégique transmis par l’émissaire onusien, intitulé Revitalisation des districts sanitaires, esquisse une feuille de route articulée autour de trois axes : gouvernance, financement et résilience. Sur le volet gouvernance, il invite à une synergie entre le ministère de la Santé et celui de la Coopération internationale pour optimiser l’usage des fonds partenaires. Le volet financier, quant à lui, suppose une mobilisation conjointe de ressources domestiques et d’appuis extérieurs ciblés, réduisant la dépendance aux bailleurs non concessionnels. Enfin, la résilience structurelle exige une logistique pharmaceutique sûre, la disponibilité continue des vaccins et la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement. Ces orientations rejoignent les priorités nationales définies dans le Plan national de développement 2022-2026, gage d’appropriation locale et de cohérence.
Des défis systémiques à la hauteur des engagements
Les spécialistes rappellent toutefois que la matérialisation de ces ambitions se heurte à plusieurs déterminants sociaux. D’une part, la démographie croissante dans la ceinture péri-urbaine met sous pression les infrastructures existantes. D’autre part, la persistance des maladies transmissibles – paludisme, tuberculose, VIH – absorbe une part importante des budgets récurrents, limitant les marges pour l’innovation. Le Pr Marius Nkoua, épidémiologiste à l’Université Marien Ngouabi, nuance : « Le Congo possède des indicateurs encourageants sur la mortalité maternelle, mais la réduction durable dépendra de la capacité à intégrer des soins obstétricaux d’urgence jusque dans les zones fluviales les plus reculées. » L’articulation envisagée avec les programmes d’électrification rurale et de connectivité numérique constitue un levier central pour amoindrir ces disparités.
Vers une architecture sanitaire résiliente
Au terme de cette première visite officielle, les deux parties ont affiché une convergence stratégique rare : l’OMS se positionne comme partenaire méthodologique, tandis que le gouvernement congolais conserve la maîtrise politique du pilotage. La densification des centres de santé, la sécurisation des chaînes de froid et la mise en place d’indicateurs de performance territorialisés sont autant de chantiers qui devraient, à moyen terme, renforcer la confiance des populations dans leur système national. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, l’État poursuit ainsi l’objectif d’un système de santé robuste, facteur de cohésion sociale et de compétitivité économique. La trajectoire esquissée, si elle se confirme, pourrait servir de laboratoire régional pour le pilotage de la santé primaire en Afrique centrale.