Un COS stratégique sous les lambris de Brazzaville
Sous le haut plafond d’un hôtel du quartier centre, diplomates, ministres et techniciens ont, le 10 juillet 2025, déployé cartes, graphiques et argumentaires pour la 8ᵉ réunion du Comité d’orientation et de suivi du Contrat de désendettement et de développement. La coprésidence assurée par Christian Yoka, ministre congolais des Finances, et Claire Bodonyi, ambassadrice de France, souligne la densité politique d’un mécanisme qui, depuis 2014, reconvertit la dette bilatérale en investissements publics. L’atmosphère, studieuse mais cordiale, a rappelé qu’au-delà des flux monétaires, il s’agit d’anticiper l’inclusion sociale dans une conjoncture mondiale incertaine.
Un portefeuille de 229 millions d’euros revisité
La présentation liminaire a rappelé l’armature quantitative du programme : 229 millions d’euros, soit environ 150,2 milliards de FCFA, mobilisés autour de trois axes – infrastructures, capital humain, développement durable. Conçue comme un fonds à décaissements progressifs, l’enveloppe finance aujourd’hui treize projets et deux fonds d’études et de renforcement des capacités. Cette architecture répond à une logique de transversalité, enchevêtrant aménagement urbain, filets sociaux et modernisation de l’administration. Selon un responsable du Trésor congolais présent dans la salle, « nous parlons d’un dispositif budgétaire hybride, combinant redevabilité mutuelle et flexibilité opérationnelle ».
Projets achevés : impacts mesurables sur le terrain
Trois réalisations emblématiques se démarquent déjà. Le drainage des eaux pluviales, phase 1, a réduit l’exposition aux crues saisonnières de plusieurs quartiers riverains, tessiture environnementale cruciale pour une capitale souvent soumise à l’hyper-pluviométrie. La formation de travailleurs sociaux renforce, quant à elle, la capacité d’accompagnement des ménages vulnérables, tandis que le programme Lisungi distribue des transferts monétaires conditionnels à près de cinquante mille bénéficiaires, fluidifiant la résilience communautaire. Ces succès, salués par le Programme des Nations unies pour le développement (source onusienne), étayent la thèse d’un multiplicateur social supérieur à celui des seules dépenses d’infrastructures lourdes.
Inflation et arbitrages : la nouvelle équation budgétaire
La dynamique paraît néanmoins contrainte par la poussée inflationniste qui recompose le marché sous-régional des travaux publics. L’ambassadrice Claire Bodonyi a relevé que certaines enveloppes initiales « ne suffisent plus à couvrir la totalité des activités programmées », renvoyant à la rareté des matériaux importés depuis la pandémie. Ce constat impose des réallocations fines : priorisation des cellules de suivi ministérielles, renforcement du projet Telema qui finance des activités génératrices de revenus et demande, formulée par la partie congolaise, d’analyses coûts-bénéfices actualisées. À travers ces ajustements, le COS tente de préserver la cohérence sociale du programme sans sacrifier la rigueur macro-budgétaire.
Dialogue bilatéral : diplomatie du chiffre et du social
La rencontre a également fonctionné comme un théâtre diplomatique où se sédimentent intérêts financiers et impératifs de solidarité. Christian Yoka a appelé à « poursuivre résolument l’investissement social, plus structurant encore que nombre d’ouvrages visibles », tout en saluant la disponibilité française à élargir la concertation à d’autres bailleurs. Dans la rhétorique des deux chefs de délégation, la confiance apparaît comme la condition performative du contrat : elle autorise un partage circonspect des risques et maintient ouverte la perspective d’un troisième C2D post-2027, scénario évoqué en aparté par plusieurs conseillers.
Regards prospectifs : consolider le capital humain
À l’issue des travaux, une feuille de route 2025-2027 a été esquissée. Elle consacre la finalisation de la Corniche de Brazzaville, la relance du secteur agricole via le PARSA et l’opérationnalisation du Projet d’appui à la modernisation de l’enseignement supérieur. Dans une économie encore marquée par la dépendance pétrolière, ces investissements s’orientent vers la construction d’un capital humain susceptible de catalyser la diversification. Les observateurs estiment que la réussite de cette trajectoire dépendra d’une gouvernance de projet plus inclusive, associant collectivités locales et société civile, afin de maintenir le lien social qui fait la valeur ajoutée du C2D. En cela, la réunion de juillet donne le ton d’une coopération où la stabilité financière rime désormais avec densité citoyenne.