Un indicateur en progrès prudent
Le dernier baromètre de Transparency International place le Congo à la 151e position sur 180, soit quatorze crans plus haut qu’en 2020. Dans le langage des indices composites, ce glissement vers le haut ne signifie pas l’éradication du phénomène mais suggère un infléchissement de trajectoire. Les spécialistes de la gouvernance rappellent que la grille de notation repose autant sur la perception des élites économiques que sur la méta-analyse de données judiciaires, ce qui confère à toute amélioration une dimension symbolique forte.
La mécanique institutionnelle en action
Au cœur de cette dynamique, la Haute Autorité de lutte contre la corruption (Halc), installée en 2021, déploie une stratégie articulée autour de la prévention, de la dissuasion et de la sanction. Son président, Emmanuel Ollita Ondongo, insiste sur « l’ardeur renouvelée » que suppose chaque bond d’un classement jugé intransigeant. L’institution, nourrie des préconisations de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, bénéficie d’un mandat constitutionnel qui lui confère autonomie et permanence, deux atouts essentiels dans un environnement souvent traversé par l’alternance administrative.
La dimension sociétale de l’intégrité publique
Les sciences sociales enseignent que la corruption s’enracine dans un réseau de pratiques quotidiennes où s’entrelacent rationalité économique et constructions culturelles. En mobilisant les associations de jeunes, les confessions religieuses et les faîtières professionnelles, la Halc cherche à rompre le cercle de la banalisation. À Pointe-Noire, un atelier conjoint avec la société civile a abouti, en avril dernier, à la signature d’une charte de vigilance qui engage transporteurs maritimes, banquiers et opérateurs pétroliers à publier un reporting éthique annuel. Cette démarche, encore inédite dans le pays, mise sur la pression des pairs comme vecteur de conformité.
L’arrimage aux normes internationales
La crédibilité d’une politique anticorruption se mesure aussi à sa compatibilité avec les standards globaux. Brazzaville a ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption dès 2006, mais la transposition réelle s’est accélérée depuis trois ans par l’adoption d’un code pénal revisité, l’intégration du délit d’enrichissement illicite et la protection procédurale des lanceurs d’alerte. Dans son rapport 2024 sur les droits humains, le Haut-Commissariat des Nations unies souligne « l’effort de calibrage juridique » entrepris par le législateur congolais, tout en recommandant un meilleur financement des organes de contrôle.
Prévention, répression : une dialectique délicate
Le gouvernement privilégie une approche graduée, convaincu qu’une répression brutale, détachée de l’éducation civique, risque de déplacer plutôt que de réduire les pratiques illicites. Dans les administrations financières, le déploiement progressif de plateformes numériques de paiement limite les contacts physiques propices aux transactions occultes. Parallèlement, des magistrats, formés avec l’appui de l’Organisation internationale de la Francophonie, renforcent la chaîne pénale spécialisée. L’équilibre reste toutefois fragile : statistiquement, le nombre de poursuites augmente, mais la médiatisation de dossiers emblématiques doit encore convaincre les observateurs de la réalité du tournant répressif.
Vers un capital-confiance renouvelé
Au-delà des chiffres, l’enjeu principal demeure la restauration du capital-confiance entre l’État et les citoyens. Les économistes soulignent que deux points supplémentaires sur l’indice CPI pourraient, toutes choses égales par ailleurs, accroître de 0,3 % la croissance annuelle en attirant des flux d’investissements directs étrangers plus soutenus. Conscient de cette corrélation, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé, lors du Forum Investir en Afrique, que « la moralisation de la vie publique n’est pas un luxe moral, mais une condition d’émergence ». La feuille de route gouvernementale, prolongée jusqu’en 2030, vise désormais un doublement des scores actuels.
Horizons 2030 : des signaux à consolider
Les observateurs étrangers commenteront sans doute avec prudence une progression qui laisse encore le Congo dans le dernier quart du classement mondial. Pour autant, la tendance haussière conforte l’idée qu’un cadre légal clairement adossé aux engagements panafricains peut produire des résultats mesurables. Si les réformes fiscales, la digitalisation et l’exemplarité managériale parviennent à s’inscrire dans la durée, l’indice CPI pourrait se muer de simple baromètre en véritable relais de confiance. La décennie qui s’ouvre devra convertir l’élan actuel en gains structurels afin que la dignité humaine, thème mis à l’honneur par l’Union africaine, cesse d’être un slogan et devienne la matrice opérationnelle des politiques publiques.