Le bassin du Congo au cœur de l’attention multilatérale
Au fil des grandes conférences climatiques, le bassin du Congo s’est imposé comme l’un des principaux régulateurs atmosphériques de la planète, abritant plus de 10 % des réserves mondiales de biodiversité. Le partenariat inauguré en 2019 entre la République du Congo et l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale – ou CAFI – s’inscrit dans cette dynamique internationale visant à conjuguer développement économique et sauvegarde des puits de carbone tropicaux. Signé à Paris sous les auspices des présidents Denis Sassou Nguesso et Emmanuel Macron, le texte engageait Brazzaville à concrétiser 52 jalons précis, assortis d’un financement progressif émanant d’un consortium de bailleurs.
Une lettre d’intention exigeante et structurante
Les 52 jalons définissent un cadre méticuleux : révision du code forestier, élaboration d’un plan national d’aménagement du territoire, clarification du régime foncier rural, renforcement des contrôles environnementaux et intégration de critères de durabilité dans les filières minières et pétrolières. Conçu comme un contrat de performance, l’accord subordonne chaque décaissement à la réalisation des actions programmées, ce qui en fait un instrument de pilotage stratégique autant qu’un vecteur de financements climatiques innovants. L’administration congolaise, épaulée par les agences de coopération internationale, a ainsi bâti un tableau de bord où chaque indicateur est codifié, évalué et discuté lors de revues conjointes.
Bilan d’étape : progrès notables, défis persistants
Selon les chiffres agrégés par le ministère de l’Économie forestière, environ 12 % des jalons sont intégralement achevés et 46 % se trouvent dans une phase d’exécution avancée. Ces données, légèrement supérieures aux estimations de certaines ONG, soulignent la diversité des rythmes d’avancement. Les réformes relatives à la traçabilité du bois d’œuvre, à la digitalisation des permis et à la création du Fonds national pour le développement durable figurent parmi les réussites saluées par les partenaires techniques. En revanche, la finalisation des décrets d’application du code foncier et la mise en cohérence des cadastres minier et forestier exigent encore des arbitrages administratifs et financiers complexes.
Lors d’une récente conférence de presse à Brazzaville, la directrice exécutive de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, Nina Cynthia Kiyindou Yombo, a appelé à accélérer la cadence d’ici à la date butoir du 2 septembre 2025, soulignant « la volonté politique manifeste mais perfectible » de l’exécutif. Le gouvernement, par la voix du ministre en charge de la Planification, rappelle pour sa part que « l’architecture législative d’un tel chantier requiert un temps incompressible de concertation nationale », notamment avec les collectivités locales et les concessions privées.
Réformes législatives et gouvernance adaptative
Face aux impératifs de calendrier, l’exécutif congolais a choisi une stratégie de séquençage prioritaire. Les textes relatifs à la fiscalité verte, à la répartition des revenus issus du carbone et à la protection des tourbières du département de la Likouala sont déjà soumis au Parlement. Parallèlement, un guichet unique destiné à réduire les délais d’obtention des certifications environnementales est en phase pilote dans trois départements. Cette approche graduelle permet d’assurer la cohérence juridique sans fragiliser la stabilité des investissements privés, un point régulièrement soulevé par les compagnies forestières et minières implantées dans la région.
Le Conseil national de la forêt, instance multipartite présidée par le Premier ministre, se réunit désormais chaque trimestre afin de suivre les décisions d’arbitrage. La nouvelle fréquence des sessions reflète la volonté de maintenir un dialogue constant avec les organisations de la société civile, dont la contribution à la surveillance indépendante est reconnue. Dans les couloirs de la primature, l’on insiste sur « une gouvernance adaptative » : chaque retour d’expérience, qu’il provienne des ONG ou des bailleurs, est censé nourrir la révision en temps réel des outils de pilotage.
Société civile et experts, vigies constructives
La participation citoyenne représente l’un des axes transversaux de la Lettre d’intention. Au-delà des consultations publiques, plusieurs observateurs internationaux citent le Congo comme exemple d’ouverture graduelle des données forestières. Des cartographies interactives, produites avec l’appui de la Banque mondiale, sont désormais accessibles aux chercheurs, ce qui facilite l’identification des zones de chevauchement entre concessions et terroirs villageois. Pour Anne Martineaux, spécialiste de la gouvernance climatique à l’AFD, « la transparence n’est plus considérée comme une contrainte mais comme un levier de légitimité des politiques publiques ».
Les plateformes de la société civile, parmi lesquelles l’OCDH et Comptoir juridique junior, ont récemment formulé un paquet de propositions techniques : intégration des savoirs autochtones dans les plans de gestion, renforcement des brigades forestières mixtes et mise à disposition des communautés de microcrédits carbone. Ces contributions, loin d’être perçues comme un rapport de force, s’inscrivent dans une logique de co-construction saluée par plusieurs chancelleries, qui y voient la preuve d’une maturation démocratique du débat environnemental congolais.
Projection vers 2025 : l’accélération sous le signe de la diplomatie climatique
À moins d’un an de l’échéance, le gouvernement conjugue ses efforts internes à une offensive diplomatique renforcée. Brazzaville prépare activement sa participation à la prochaine COP, où elle compte mettre en avant les résultats intermédiaires obtenus grâce à CAFI et solliciter de nouveaux partenariats bilatéraux sur la chaîne de valeur bois-énergie. Les experts du Programme des Nations unies pour l’environnement soulignent que les financements additionnels seront d’autant plus faciles à mobiliser que le rythme d’exécution des jalons s’intensifiera.
Dans les couloirs des bailleurs, le Congo est perçu comme un acteur « réaliste », conscient de ses défis mais déterminé à honorer ses engagements. La possibilité d’une prorogation technique de la Lettre d’intention, évoquée de façon informelle, n’est pas exclue si elle permet de consolider les avancées structurantes déjà engagées. Pour l’heure, l’objectif affiché par Brazzaville demeure clair : franchir le seuil symbolique de 70 % de jalons réalisés d’ici septembre 2025, témoigner de la crédibilité d’une voie africaine de développement bas carbone et confirmer sa place de pivot du multilatéralisme climatique.