Fonds bleu : accélération des financements climatiques
La capitale congolaise vient d’accueillir trois jours d’échanges intenses entre États, bailleurs et experts. Objectif : finaliser la liste des dossiers qui seront présentés aux investisseurs internationaux. Pour Arlette Soudan-Nonault, « l’heure est à l’action concrète pour valoriser notre deuxième poumon vert mondial ».
Au terme des travaux, un signal clair est envoyé : la Commission climat du bassin du Congo a désormais un portefeuille prêt à convaincre lors de la COP30, puis durant la table ronde de Brazzaville en mai 2026. Le cadrage commun est jugé indispensable pour séduire les financeurs.
Une mosaïque de 43 projets à haut impact
Sur les 254 initiatives répertoriées dans le plan d’investissement régional, 43 ont été jugées prioritaires. Trente-trois sont portées individuellement par les pays membres, dix sont transfrontalières. Toutes s’inscrivent dans la logique d’économies bleues et vertes, inclusives, résilientes et créatrices d’emplois locaux.
Les dossiers couvrent la restauration forestière, la gestion intégrée des eaux, l’énergie renouvelable, l’écotourisme et l’agriculture durable. Chaque fiche projet comporte un volet social précis : participation communautaire obligatoire, formation des jeunes et indicateurs de co-bénéfices genre.
Des économies bleues et vertes pour chaque pays
Le Cameroun s’appuie sur des mangroves à haute valeur de carbone, le Gabon mise sur la valorisation non destructive des produits forestiers, tandis que le Congo développe l’agroforesterie cacao-banane sur les plateaux Téké. Au Soudan du Sud, des fermes solaires doivent sécuriser l’irrigation.
« Nous cherchons à changer d’échelle », résume Jean Paterne Megne Ekoga, vice-président de la BDEAC. « La satisfaction de la Commission climat est notre credo, l’amélioration des conditions de vie des populations notre profession de foi ». Ces priorités sont intégrées dans les modèles financiers étudiés.
Tourbières, lacs et corridors : focus sur deux chantiers phares
Le projet d’appui à la gestion durable des tourbières congolaises couvre 165 500 km² et pourrait empêcher la libération de près de 30 milliards de tonnes de CO₂. Des images satellites combinées à des inventaires communautaires guideront les zones de conservation et les activités génératrices de revenus.
Autre exemple emblématique : le programme intégré du lac Tanganyika, partagé par le Burundi, la RDC, la Tanzanie et la Zambie. Il prévoit des barrages d’eau douce, le reboisement des berges et des aires de pêche règlementées, afin de sécuriser l’alimentation de plus de dix millions de riverains.
Ingénierie financière : la BDEAC en première ligne
La Banque de développement des États de l’Afrique centrale, gestionnaire du fonds fiduciaire, teste des mécanismes mêlant prêts concessionnels, garanties et paiements pour services écosystémiques. L’objectif est de réduire le risque perçu par les investisseurs privés et d’abaisser les coûts d’emprunt pour les porteurs locaux.
Les équipes examinent aussi la possibilité de placer une partie des fonds en obligations vertes régionales. « Nous voulons des montages non spéculatifs, robustes et transparents », insiste Megne Ekoga. Un tableau de bord public sera mis à jour tous les trimestres.
Partenaires techniques mobilisés
L’Agence française de développement, forte de 79 millions d’euros déjà engagés, accompagne la structuration des études de faisabilité. Son directeur au Congo, Antoine Chevalier, voit dans le Fonds bleu « une vitrine d’intégration africaine au service de la biodiversité ».
Le Programme des Nations unies pour le développement épaulera la CCBC sur l’évaluation environnementale stratégique. Des cabinets locaux sont également sollicités pour cartographier les retombées socio-économiques. Cette approche mixte favorise l’appropriation et la montée en compétence de la région.
Voix des communautés et retombées attendues
À Mbandaka, dans la RDC, l’organisation Femmes des Forêts se prépare déjà à former des brigades de monitorage participatif. « Nous voulons être copropriétaires des résultats », explique sa coordinatrice, Espérance Mbeka. Les projets prévoient d’allouer jusqu’à 15 % du budget à l’implication communautaire.
Les jeunes universitaires de Brazzaville, quant à eux, militent pour des stages de terrain rémunérés. Des start-ups proposent des applications mobiles capables de signaler les feux de brousse en temps réel, renforçant la dimension technologique et citoyenne du portefeuille.
Feuille de route jusqu’à la COP30 et au-delà
Le 7 novembre, à Belém, les 43 fiches techniques seront présentées en marge des négociations climatiques. Chaque porteur disposera de dix minutes pour convaincre bailleurs souverains, banques multilatérales et fonds philanthropiques, avant des sessions B2B.
En mai 2026, une seconde table ronde à Brazzaville permettra de valider les financements bouclés et d’actualiser les indicateurs. L’étape intermédiaire de 2025 intégrera un reporting semestriel afin d’ajuster la gouvernance et les priorités en fonction des retours de terrain.
Perspectives : un pipeline de 254 projets
La validation actuelle n’est qu’une entrée en matière. Le plan d’investissement global de la CCBC s’élève à 10 milliards de dollars. Les 211 projets restants seront évalués par vagues, en fonction des leçons apprises et de la capacité d’absorption des États.
Ministères, ONG, chercheurs et secteur privé profitent de cette dynamique inédite pour proposer des idées nouvelles : paiements carbone communautaires, valorisation des déchets plastiques en matériaux de construction, ou encore corridors écologiques reliant les aires protégées au réseau routier. Le bassin du Congo se projette résolument vers un futur durable.
